Lorsqu'il est entré sur la pelouse du Dôme de Sapporo ce dimanche, à la 61e minute du match perdu face à l'Angleterre (35-3), il s'est peut-être demandé comment il était arrivé là... Début août, en descendant du toit où il travaillait encore, Siua Maile, 22 ans, couvreur et rugbyman amateur pour le club de Shirley, près de Christchurch en Nouvelle-Zélande, a eu le choc de sa vie. L'équipe des Tonga, en pleine préparation de la Coupe du monde et décimée au poste de talonneur (après deux blessures), voulait le tester. « Cela paraît incroyable, raconte Dan Cron, entraîneur des avants tongiens, mais on a trouvé Suia en envoyant des SOS sur Facebook. »
« On ne savait pas à quoi il ressemblait »
Le jeune homme est recommandé par les entraîneurs de la province de Canterbury, avec qui il vient de disputer son premier match professionnel le 3 août, au sein de l'équipe B. Le rendez-vous est fixé à l'aéroport d'Auckland. « On ne savait pas à quoi il ressemblait », a expliqué le sélectionneur des Tonga Tutai Kefu, cette semaine. Ils savent juste que Corey Flynn, ancien talonneur des All Black et originaire de la province de Canterbury, lui a donné un coup de main pour travailler les lancers en touche.
« Lors des premières séances avec contact, j'ai dû le calmer », rigole Kefu qui, convaincu, l'intègre dans le groupe des 31 joueurs qui participeront au Mondial. En apprenant la nouvelle, le club de Shirley se mobilise et organise plusieurs dîners destinés à collecter des fonds pour que le joueur puisse quitter son travail pendant près de deux mois (les internationaux tongiens touchent à peine 450 euros par semaine lorsqu'ils sont en sélection).
De nombreux Tongiens refusent la sélection faute de moyens
« Entre 15 et 20 joueurs tongiens ont refusé de venir en équipe nationale car ils ne peuvent pas se le permettre financièrement », révèle Tutai Kefu. Une réalité que subissent toutes les sélections des îles du Pacifique. Mais impossible pour Siua Maile de rater une telle aventure. Son histoire a tellement touché les Néo-Zélandais, le pays où il est arrivé à l'adolescence, pour entrer au lycée, que même Air New Zealand a offert des billets d'avion à sa famille pour qu'elle puisse le voir disputer son premier test, début septembre, contre les All Blacks, où il était titulaire (92-7).
Face à l'Angleterre ce dimanche, pour son baptême du feu en Coupe du monde, le jeune homme a eu le droit à vingt minutes de jeu. Le temps pour lui de réussir 7 lancers en touche et de gagner 8 mètres sur une course. Une entrée en jeu qu'il était loin d'imaginer il y a quelques semaines, encore perché sur son toit.