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Esport - League of Legends : comment le LEC s'est organisé en ligne

Le LEC a quitté son studio de Berlin pour continuer en ligne. (Michal Konkol)
Le LEC a quitté son studio de Berlin pour continuer en ligne. (Michal Konkol)

Le LEC, l'élite européenne sur League of Legends, se joue en ligne depuis deux semaines. Avant le début des play-offs, retour sur les moyens mis en oeuvre pour que la compétition puisse se poursuivre à distance.

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Les play-offs du segment de printemps du League of Legends European Championship (LEC) démarrent ce vendredi soir (18h) par un match entre les tenants du titre, G2 Esports, et les surprenants MAD Lions. Une rencontre de grande qualité sur le papier, entre deux équipes qui produisent un jeu plaisant à regarder, mais qui aurait très bien pu ne pas avoir lieu sans ce qui fait la particularité du sport électronique : la possibilité de jouer en ligne.

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Une annulation au dernier moment

Le 13 mars dernier, juste avant la prise d'antenne dans son studio de production berlinois, où se déroule la compétition, Riot Games, l'éditeur, publie un communiqué : un membre du staff du LEC présente des symptômes du Covid-19. Par précaution, les matchs du week-end sont annulés. Le direct ne durera que le temps d'expliquer cette décision aux fans. « On travaillait depuis un mois et demi sur des scénarios de crise, avec des éléments déclencheurs clairs, assure Alban Dechelotte, directeur du sponsoring et du développement chez Riot Games Europe. On a appris deux heures avant de lancer le live qu'une personne présentait des symptômes. Elle avait travaillé le week-end précédent. On a appliqué les consignes, on a renvoyé tout le monde chez soi se mettre en quarantaine. C'était un vrai choc. »

Un jour plus tôt, Riot Games avait décidé de poursuivre la compétition physiquement (à l'exception d'Origen, coincé au Danemark) mais à huis clos, en déplaçant tout de même les finales (18-19 avril) de Budapest à la capitale allemande. Un choix trop optimiste : le plan tombe à l'eau. Heureusement, l'éditeur s'était aussi appuyé sur l'exemple de la ligue chinoise, suspendue fin janvier quand ce qui n'était alors qu'une épidémie éclate, et de retour en ligne depuis le début du mois de mars. En une semaine, le LEC retombe sur ses pattes et avec l'accord de ses acteurs, en sécurité, la compétition reprend à distance.

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Apollo 13

Les équipes ayant pour habitude de s'entraîner en ligne les unes contre les autres depuis leurs domiciles ou leurs centres d'entraînement, les matches s'organisent assez facilement. Avec des conditions un peu particulières pour des parties officielles : outre la latence plus importante, un arbitre a dû, par exemple, demander à un joueur de faire sortir son chien de la pièce pour éviter tout désagrément.

Mais pour pouvoir diffuser dans des conditions acceptables sur Twitch ou Youtube à des dizaines de milliers de fans, les techniciens de Riot Games ont dû créer une structure inédite : jusqu'à 14 appartements sont connectés entre eux, parfois via des logiciels de communication « basiques » comme Discord ou Google Hanghouts. Et ça marche. « Pour se donner une idée de l'ambiance post-annulation, il faut regarder le film Apollo 13, glisse Alban Dechelotte. "Bon : on a un tube, du fil et un carton qu'est-ce qu'on peut faire ?" On a dû réinventer un métier, en ayant l'impression de retourner en 2012. On a l'habitude de produire une compétition dans un studio équipé, de plusieurs millions d'euros, et on s'est retrouvés à créer une infrastructure à distance pour pouvoir continuer. »

« Bon : on a un tube, du fil et un carton qu'est-ce qu'on peut faire ? »

Alban Dechelotte, directeur du sponsoring et du développement chez Riot Games Europe

Non sans difficultés le premier jour : des problèmes de son forcent une multitude de pauses techniques et une rencontre est même reportée en fin de programme. « Comme certaines des mesures qu'on a prises pour protéger l'intégrité sportive étaient liées à la capacité des arbitres à écouter les communications pendant les oppositions, on a dû les interrompre », explique Alban Dechelotte. Pour s'assurer que les joueurs - isolés et surveillés - ne reçoivent pas de conseils une fois la partie lancée (le coach n'a pas le droit d'intervenir), la diffusion est également décalée de quinze minutes pour tout le monde. Ce qui a valu à certains d'être spoilés, sur les sites de paris en ligne notamment, qui reçoivent le flux quasiment en direct.

« Normal de continuer »

Globalement, les joueurs ont assez vite accepté la situation. « La pression est différente sur scène [...] mais je ne pense pas que cela aura un impact négatif, on joue où on a l'habitude de le faire toute l'année. Certains pourraient même se montrer beaucoup plus performants », indiquait Gabriël « Bwipo » Rau (Fnatic) au « micro » de Laure « Bulii » Valée, intervieweuse et présentatrice française du LEC, après les premiers matchs en ligne.

Pour aider leurs joueurs à s'adapter, certains staffs ont changé la disposition des lieux dans lesquels ils disputent leurs matches. Du côté des commentateurs, « l'énergie n'est pas la même » constate Laure Valée. « Il nous manque un truc. C'est difficile d'être fluide sans interactions, en conduisant des interviews depuis chez soi ». Mais, comme le LEC dans son ensemble, elle explique avoir « trouvé ses marques », au bout d'une semaine : « Certains ont des petits trucs pour éviter de parler en même temps. Les membres du bureau d'analyse écrivent un "t" dans le chat pour signifier qu'ils veulent prendre la parole. »

« Les joueurs estiment que la compétition n'aura pas moins de valeur parce qu'elle se termine dans ces conditions »

Laure « Bulii » Valée, intervieweuse et présentatrice française du LEC

Malgré la possibilité technique de continuer en ligne, chacun chez soi ou presque, la question de continuer ou non s'est posée. Pour la santé de tous les concernés, l'intégrité et l'équité sportive. « Mais ça nous paraissait normal de le faire parce qu'il s'agit d'esport et on le pouvait, assure Laure Valée. Contrairement à ce qu'on a pu entendre des LCS (Amérique du Nord), ici les joueurs estiment que la compétition n'aura pas moins de valeur parce qu'elle se termine dans ces conditions. Même si quelques-uns m'ont aussi dit que la finale risquait d'être bizarre sans célébrations ni fans. »

Si le segment de printemps du LEC va donc s'achever en ligne, la suite est forcément encore un peu floue. Certains joueurs des équipes hors course restent à Berlin. D'autres rentrent chez eux, sans vraiment savoir quand ils pourront revenir. Riot Games, qui préfère éviter d'évoquer le scénario où un ou plusieurs joueurs tomberaient malades, a modifié le calendrier compétitif en reportant la compétition internationale de mi-saison, le MSI, à juillet. Le segment d'été débutera un peu plus tôt que prévu (le 22 mai en Europe). Les Mondiaux, censés se disputer en Chine à partir de septembre, ne sont pas encore menacés. Jouer en ligne n'est qu'une solution provisoire. Mais c'est déjà une victoire.

Calendrier des play-offs du LEC :

publié le 3 avril 2020 à 17h00 mis à jour le 3 avril 2020 à 17h08
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