Leurs destins semblent intriqués. Comme s'ils avaient signé un pacte de renaissance. Celle d'Isaïa Cordinier doit conduire à celle de Nanterre, bastion qui sort d'une période trouble. Avant leurs succès contre Pau, il y a une semaine (101-89), puis Limoges, dimanche (93-71), les joueurs de Pascal Donnadieu étaient derniers de l'élite (11es désormais). «Ça faisait froid dans le dos, on n'avait jamais connu ça», soufflait le coach. Un exploit contre l'Asvel aujourd'hui confirmerait la rémission. Le succès passera sans doute par une nouvelle performance de son arrière, courtisé par à peu près toute la Jeep Élite l'été dernier après une fin de saison en boulet de canon à Antibes. Pourtant, avant son retour réussi dans le grand bain l'an passé, Cordinier (1,96 m, 23 ans) était au fond du gouffre.
Il sortait d'années de galère à cause de genoux qui grincent, et d'une saison blanche après son choix risqué de passer sur le billard pour soigner ses tendons rotuliens. «Cela n'a pas été une décision facile, raconte le joueur, sélectionné mardi pour l'All-Star Game et son prestigieux concours de dunks. Car tu es jeune et ça peut faire peur aux clubs qui s'intéressent à toi. Mais je n'ai jamais craint que ma carrière s'arrête. Je savais que, si je retrouvais mes capacités athlétiques et ma vitesse, je reviendrais plus fort. J'ai fait un pas en arrière pour en faire quatre ou cinq en avant.» C'est le très réputé Lyonnais Bertrand Sonnery-Cottet qui a opéré le joueur et piloté sa lourde rééducation, effectuée notamment par Christophe Keller au Creps d'Antibes. Les résultats sont spectaculaires.
«Quelque chose d'Evan Fournier»
Contre Pau, le natif de Créteil, de retour après un pépin physique (béquille au mollet), s'est mis en valeur, avec 19 points à 7 sur 9 au tir, 5 rebonds et 3 passes en trente-deux minutes. Cette saison, malgré son inconstance et un shoot longue distance douteux, il enregistre les meilleures moyennes de sa carrière (13,2 pts à 45 % au shoot mais 22 % à 3 points, 4,2 rbds, 2,7 passes) et affiche un volume physique impressionnant, qui lui permet de défendre le plomb et d'attaquer le cercle, claquant régulièrement des dunks phénoménaux. Sa sortie contre Limoges, dimanche, résume le talent du personnage et détermine sa marge de progression (14 pts, 9 rbds, 0/6 à 3 pts).
«Malgré son jeune âge, c'est déjà le joueur le plus impactant de l'équipe, affirme Donnadieu, son coach. Avec le départ de Lahaou Konaté (Tenerife), l'idée était de lui donner des responsabilités pour l'aider à franchir un palier. Il a une grosse panoplie, des capacités athlétiques et d'un contre un au-dessus de la moyenne. Toutes proportions gardées, dans l'agressivité, l'éthique de travail mais sans le shoot pour l'instant, il a quelque chose d'Evan Fournier. Après, il doit mieux doser son énergie et prendre confiance en son tir. Mais ses débuts sont positifs.»
Le fils de l'ex-international de hand Stéphane Cordinier a retrouvé les parquets américains, du côté de Brooklyn, où il s'est signalé l'été dernier en Summer League et où il espère avoir une chance dans le futur. Drafté par Atlanta en 2016 (44e), il attend son heure, sans se faire une obsession de la NBA. «Ça reste l'objectif final, dit-il. Mais c'est loin, et, pour l'instant, je fonctionne match par match, jour après jour, et mon esprit est tout à Nanterre.» Qui en a vraiment bien besoin.