Ali-Foreman à Kinshasa
Si le Championnat du monde entre Muhammad Ali et George Foreman a atterri en Afrique en 1974, il le doit à la gouaille ou à l'inconséquence, c'est selon, de Don King. Pour convaincre les deux boxeurs de s'affronter, le promoteur américain avait promis à chacun une bourse faramineuse, 5 millions de dollars, qu'il était loin d'avoir. La quête de cette somme pour concrétiser l'affrontement le fait entrer en contact avec Mobutu, qui dirige le Zaïre (actuelle République démocratique du Congo) depuis 1965.
Le dictateur accepte de financer, à condition que le combat ait lieu à Kinshasa. Il y voit une opportunité de faire la promotion de son pays en l'adossant à la popularité d'Ali, qu'il fait voler dans son 747 privé pour la dernière étape entre Paris et sa capitale. Quand Foreman s'est blessé, en septembre 74, quelques jours avant la date initialement prévue, ce qui reportait le combat de plus d'un mois, pour que l'oeil droit du tenant du titre cicatrise, Mobutu est allé jusqu'à confisquer les passeports des deux boxeurs, de peur qu'ils quittent le pays et n'y reviennent jamais...
Dans un stade de football reconstruit pour l'occasion, qui avait aussi accueilli un concert avec James Brown et BB King pour têtes d'affiche, « A rumble in the jungle » a finalement bien eu lieu, le 30 octobre. Don King n'a pas réussi à y attirer les touristes-supporters des États-Unis ou d'Europe qu'il espérait, et dans sa bio d'Ali, Jonathan Eig en dénombre seulement trente-cinq venus des USA ! Mais, avec un premier coup de gong donné à 4 heures du matin, pour satisfaire les diffuseurs américains, le combat est entré dans l'histoire de la boxe.
Foreman-Frazier à Kingston
Champion du monde depuis 1971 et sa victoire sur Ali, Joe Frazier accepte d'aller en Jamaïque pour sa troisième défense de titre. S'il y retrouve George Foreman, il le doit au promoteur Lucien Chen. C'est lui qui a fait le lien avec le gouvernement jamaïquain qui, selon le livre de Richard Hoffer, Bouts of mania, a promis 850 000 dollars au tenant.
Nommé « The Sunshine Showdown », ce combat est le premier véritable écart exotique d'un Championnat du monde poids lourds, dans un pays où aucun combattant n'a d'attaches. Le rapide K.-O. infligé par Foreman finira d'inscrire le combat dans les mémoires.
Ali-Frazier 3 à Manille
La dernière rencontre entre Ali et Frazier a suivi les mêmes nécessités que le Ali-Foreman de Kinshasa. Les bourses promises trouvent leur financier : Ferdinand Marcos, qui dirige les Philippines depuis une décennie. Comme Mobutu, il veut que la popularité d'Ali « blanchisse » la sulfureuse réputation de son régime, qui a instauré la loi martiale en 1972. Sa femme, Imelda, ancienne reine de beauté, qui était encore députée en juin dernier à 90 ans, soigne aussi son image à travers ce « Thriller in Manilla », passé à la postérité pour la violence du combat, débuté à 10 heures du matin, dans une chaleur torride, jusqu'à l'abandon de Frazier à l'appel du 15e et dernier round.