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Arthur Guérin-Boëri : « Aujourd'hui, je n'y retournerais pas »

Le Niçois Arthur Guérin-Boëri est entré dans l'histoire de l'apnée dynamique avec un double record du monde sous la glace : 120 m en Finlande en 2021 puis 105 m au Canada en 2022, cette fois sans palmes et sans combinaison. Le magnifique documentaire « Sunny Boy », qui sort ce jeudi, retrace cette aventure hors du commun.

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« Vos deux records sous glace trouvent une finalité parfaite avec le documentaire Sunny Boy. La boucle est-elle bouclée avec ce bel héritage ?
La sortie de ce film est en effet le véritable aboutissement de ce projet. Ce qui me tenait vraiment à coeur pendant le record, c'était de documenter tout ça avec un film. Je suis ravi du film, il est incroyable. Et pour l'instant les retours sont excellents.

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Avec du recul, il reste quoi de cette double aventure ?
Plus le temps passe et plus je me rends compte de ce que j'ai fait. Quand j'étais dedans, je ne réalisais pas vraiment. À distance, je me dis que c'est quand même un truc de fou, pas commun. J'ai réussi à faire quelque chose d'assez extrême, qui fait rêver beaucoup de gens, et qui m'a fait rêver sur le moment. Je suis quand même assez fier de ça.

« Au début, l'apnée s'est imposée comme une thérapie, un exutoire »

Et si c'était à refaire ?
Aujourd'hui, je n'y retournerais pas. Je suis passé à autre chose. Quand je le faisais, je savais que c'était mon dernier. Je n'ai plus la volonté d'aller risquer ma vie pour des trucs comme ça. J'ai eu une vie de sportif, mais désormais j'ai plus envie d'être créatif. Je ne regrette pas pour autant ce que j'ai fait, c'était très bien.

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On sait que dans l'apnée la part de mental est considérable. On apprend donc beaucoup sur soi. Ces dernières années, qu'avez-vous réellement appris sur vous ?
J'ai appris que ce sport, et tout ce qu'il y a d'extrême, m'était nécessaire dans cette période de ma vie, notamment parce que j'avais besoin d'un cadre, d'une routine exigeante, d'une direction, d'un but. J'ai commencé l'apnée quand j'étais à Paris. À l'époque, je m'ennuyais. Je n'étais pas dans un métier passion (chauffeur dans un palace alors qu'il a fait des études d'ingénieur du son, ndlr). Au début, l'apnée s'est imposée comme une thérapie, un exutoire. Lors des premières compétitions, il y a eu la satisfaction de la réussite. Et, quand je suis devenu champion du monde, j'ai découvert la perspective de professionnalisation. Tout cela a été un chemin qui s'est présenté à moi, que j'ai emprunté et exploité à un moment où j'en avais besoin. Désormais, j'ai moins besoin de ça.

Arthur Guérin-Boëri sous la glace en Finlande. (Silvalex)
Arthur Guérin-Boëri sous la glace en Finlande. (Silvalex)

Pour Sunny Boy, le fait d'être filmé a-t-il rajouté une pression supplémentaire ?
Non. On a commencé à filmer en 2019, ça a été un peu perturbant au début d'avoir une caméra braquée sur moi en permanence lors des entraînements. Mais j'avais déjà fait un premier film, donc j'avais l'habitude de vivre avec des caméras. Là, ce qui était différent, c'est qu'elles étaient tout le temps présentes. C'est un peu troublant parfois mais on s'y habitue. Au moment du record, que les caméras me regardent, cela ne m'a pas perturbé. La pression, elle venait plutôt de la communauté qui me suivait en direct sur les réseaux sociaux, les journalistes sur place. Mais ça motive un peu, ça stimule.

« J'expérimente le lâcher prise et de m'en remettre à ma bonne étoile »

Dans cette aventure, quel a été le moment le plus exaltant et mémorable ?
Bizarrement, ce n'est pas celui où, au Canada, je suis sorti de sous la glace. Mais plutôt celui où, avant de partir pour ma traversée, je lâche prise face à la peur qui m'accompagne depuis deux ans. Pour diminuer cette peur, je m'entraîne un maximum pendant des mois, je m'entoure d'une équipe (cardiologue, kiné, coach, manager). Malgré ça, dans les derniers instants, subsiste de la trouille, liée aussi à l'inconnu. Deux heures avant le record, je me prépare avec de la visualisation, de la concentration et de la respiration pour faire baisser mon niveau de stress. Quand je sors de ma tente pour la mise à l'eau, je suis dans un état quasi-hypnotique, avec toujours un peu la boule au ventre. Et 30 secondes avant le départ, il y a le compte à rebours du juge, la tension est encore palpable.

Mais, à ce moment précis, j'accepte l'idée que cela peut mal se passer, que cela fait partie du jeu et que je n'ai pas le choix. Il se passe alors un switch incroyable : je choisis et j'expérimente le lâcher prise et de m'en remettre à ma bonne étoile. À partir de là, plus rien ne pouvait m'atteindre. J'étais dans le "flow", dans quelque chose qui me transcende et me dépasse complètement. Et ça c'est vraiment fort.»

Sunny Boy, réalisé par Morgan Le Faucheur, produit par ALMO Film et disponible sur les plateformes de VOD

Des projets en pagaille
Désormais tourné vers la création et non la performance, Arthur Guérin-Boëri a quatre projets sur les rails. Il a tout d'abord démarré une série documentaire sur un « tour du monde des océans en apnée » en forme d'écologie 3.0, pour la chaîne « TV Monaco ». L'apnéiste a aussi un projet de Masterclass vidéo. Il veut se servir de son expertise dans le haut niveau pour aider à réduire l'anxiété et le stress chez les gens. Selon « AGB », l'apnée est une clé pour améliorer sa « résilience au quotidien » et « la clarté mentale ».

Il continue aussi les conférences en entreprise en management, gestion du stress, prise de risque, confiance en soi, courage, etc. Et un dernier projet lui tient particulièrement à coeur, plus éloigné de l'apnée et lié à son passé de « Parisien underground ». Nostalgique des soirées parisiennes de la fin des années 90 et du début du nouveau siècle, Guérin-Boëri va se lancer dans la conception d'une sorte de Paris Dernière (l'ancienne émission culte de Paris Première) pour les réseaux sociaux.
publié le 28 mars 2024 à 08h45 mis à jour le 28 mars 2024 à 12h44
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