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Sam Péridy, le VTT dans la peau

Trois fois champion du monde Master de VTT descente, Sam Péridy est passé de la compétition professionnelle à ouvrir une école de VTT, avec une étape de 20 ans dans le journalisme. Aujourd'hui, armé d'un sourire à toute épreuve, il transmet son savoir et sa passion aux apprentis pilote.

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Il n'est pas tout à fait « né sur un vélo », mais c'est le genre raccourci qui vient à l'esprit quand on le voit à l'oeuvre. Car c'est le cul sur la selle de son VTT qu'on verrait bien Sam Péridy rendre le dernier souffle. Vieillard chenu, sorte de maître zen du bunny hop et du road gap, dispensant son enseignement par l'exemple.

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Certes, à cinquante ans, il n'en est pas encore là. Le short bouffe mais la cuisse est pleine et galbée. La visière du casque ombrage des yeux plissés par un inamovible sourire, qui rehausse deux pommettes rougies par le soleil. Figure incontournable de Métabief dans le Jura, où il vit avec Isa et leur fils Tony, où il a fondé son école de VTT, Samuel Péridy n'est pourtant pas enfant de la montagne. C'est du côté de Saint-Jean-de-Monts, en Vendée, qu'il grandit. Il est de ces enfants que l'école ne parvient pas à captiver et qui, lui préférant le plein air, lui tournent le dos aussitôt que possible. A ce moment-là, Sam se partage entre l'entreprise familiale et le motocross, où il incorpore les concepts du VTT à la racine : glisse, freinage, saut. Retour sur sa vie, rythmée par le vélo.

L'accident qui « booste sa vie »

Un beau jour, il a dix-neuf ans, c'est son copain Philippe Moreau qui débarque essoufflé, derrière son doigt levé : « Sam, il y a un truc, un nouveau sport qu'on appelle moutain bike, et ça va faire un carton, faut absolument qu'on essaye ça ! ». Les deux compères s'équipent direct. Pour Sam, c'est d'abord un magnifique MBK Hi-Tech Ranger vert, jaune et orange fluo, bientôt remplacé par un Trek, prestige US oblige. On rabat les sièges arrière de la voiture pour tout rentrer, et direction les premières Coupes de France de VTT. Là, en deux coups les gros, le copain trouve un boulot : d'abord responsable du camion assistance pour Gitane, Philippe Moreau montera bientôt le premier team de la marque.

« Du coup vl'à-t-y pas que du jour au lendemain, on sillonne la France au volant du camion, et on écume les courses VTT, raconte Sam Péridy. C'était les débuts : côté sport, on ne savait pas trop ce qu'on faisait. Je m'alignais sur toutes les épreuves, le cross-country et la descente ». Les premières saisons, tout roule comme ça. Entre courses et boulot. Jusqu'en août 1994, où son destin s'infléchit une première fois à... Métabief. Championnat d'Europe de descente, « même pas en course, à l'entraînement » : la main qui ripe sur le guidon, les rochers qui le fracassent. « Le choc avait été violent. Les médecins n'ont d'abord pas voulu croire que j'étais tombé à vélo. Ils pensaient que je dissimulais un accident de moto pour des questions d'assurance. »

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En tout cas, trois mois d'hôpital. Il perd vingt kilos (qu'il reprendra), et un rein, dans l'affaire. En décembre quand il remonte à vélo, il parcourt six kilomètres et rentre en pleurs. Trois mois plus tard, sur route, il empile les semaines à mille (oui !) kilomètres. Après avoir enfin trouvé un médecin qui accepte de signer sa demande de licence, il affûte sa condition sur les « Plages Vendéennes », rendez-vous de l'élite amateure, sur la côte atlantique. « Au fond cet accident a boosté ma vie. Comme j'ai dû lutter pour me remettre en état, je suis sorti du train-train et j'ai décidé de me consacrer entièrement au VTT. »

Descendeur puis journaliste

Il laisse de côté le cross-country pour se consacrer à la descente. Il rame un peu jusqu'à ce jour de l'été 1995 où, à Château d'Oex, il domine tous les cadors de la spécialité, dont la légende Nicolas Vouilloz (cinq fois vainqueur de la Coupe du monde) lui-même qui, n'en revenant pas, demande vérification. « Par bonheur, ajoute Sam Péridy, il y avait un double chronométrage ! »

En bonne logique, la marque Scott le signe pour deux ans. « Et me voilà salarié, assisté de mécanos et de masseurs, à voyager aux quatre coins du monde. Mais la vie pro, c'est difficile. D'abord, tu prends des tartines (sic) régulièrement. Et moi, je supportais mal la pression, je ne prenais plus le même plaisir. Bon, j'ai gagné des courses : une Magura Cup, des Avalanches', la Mégavalanche de l'Alpe d'Huez... Mais sur les Coupes du monde, je n'arrivais pas à être à mon meilleur niveau. »

Il confie ses doutes à Vincent Ranchoux, rédacteur en chef de VTT Mag, qui lui propose aussitôt une reconversion : « Il me dit : "Sam, on cherche quelqu'un comme toi, pour crédibiliser les essais matos du journal". Ma première réaction c'est de rire : moi qui ai fui l'école dès que possible, écrire des articles ? Je n'avais jamais mis le doigt sur un clavier d'ordinateur, tout juste si je savais que le A était en haut à gauche. Mais en fait, c'est venu facilement. » Il se retrouve chargé des essais vélo du magazine spécialisé. Rédacteur et photographe, il apprend vite, et exercera le métier pendant plus de vingt ans.

Au passage, les courses restant le meilleur moyen de mettre le matériel à l'épreuve, Sam Péridy continue de s'aligner sur les compétitions. Résultat : en 1998 au Mont-Sainte-Anne, il décroche un premier titre de Champion du monde master. L'année suivante, il décroche même quelques tops 15 dans les Coupes du monde, ce qui lui vaut d'être interdit de championnat master, après réclamation des équipes anglaises et américaines.

Il enfile un second maillot arc-en-ciel en 2000, puis en... 2009. Beauté des défis purement inutiles : cette dernière guerre, Sam Péridy la livre sur le terrain des sentiments : pour rendre hommage à un ami qui traverse un drame personnel. « Bonux, c'est lui qui m'avait relevé en 1994, après que je me sois écrasé sur les rochers, explique le Français. Ça crée des liens. »

Retour à l'école

Aujourd'hui, Sam Péridy a quitté une presse magazine qui bat de l'aile, mais certainement pas le VTT. À Métabief, à la maison, il a ouvert une école de VTT, récemment affiliée MCF, et qui embauche désormais 3 permanents et trois stagiaires. « Ça fonctionne sur le modèle des écoles de ski. Il y a des pistes vertes, rouges, noires, etc., et on propose des leçons techniques ou du guidage. »

Sam Péridy entraîne dorénavant les jeunes dans son école de VTT. (B. Preschemesmisky)
Sam Péridy entraîne dorénavant les jeunes dans son école de VTT. (B. Preschemesmisky)

Là, il dispense aux enfants sa science du pilotage. Ses élèves ont « de 7 à 77 ans », mais c'est avec les plus jeunes qu'il prend le plus de plaisir. Il transmet sa passion. Le visage toujours paré de cette joie généreuse, presque naïve, qui lui plisse les yeux. Cela n'exclut pas une vigilance extrême. « Aujourd'hui, il y a de plus en plus d'équipements, de bike parks, dans les stations, raconte le vététiste. Et le niveau monte tellement que parfois, à huit ans, ils savent tout faire ! N'empêche, amener un môme à son premier road gap, c'est un peu stressant parfois. Mais le sourire des gens quand tu les lâches, ça vaut tout l'or du monde ! »

publié le 18 septembre 2019 à 10h43 mis à jour le 18 septembre 2019 à 18h49
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