L'ÉQUIPE

Louis Legon, un amoureux de vitesse en quête d'un second souffle

Depuis ses débuts à vélo, Louis Legon rêvait de piste et de route. (Bernard Lagon)
Depuis ses débuts à vélo, Louis Legon rêvait de piste et de route. (Bernard Lagon)

Depuis son plus jeune âge, Louis Legon rêve de piste et de vitesse. Il commençait à exceller sur les critériums en pignon fixe, jusqu'à ce que le destin s'en mêle. Après un grave accident, il est de retour sur son vélo.

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Louis Legon est gaulé comme un grimpeur. Mais sur les lignes d'arrivée sa pointe de vitesse en surprenait plus d'un. Coiffés au poteau, les mastards roulaient des yeux incrédules et agacés sur ses quadriceps à la Virenque. Après quoi, ils s'habituaient.

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Il faut dire que Louis Legon faisait du vélo depuis tout petit avec son père, qui avait été un fieffé pistard. Son papa, lui, était gaulé comme un sprinter, mais en ce temps-là il vivait à Grenoble : heureusement que le vélodrome était là, faute de quoi cette histoire n'aurait pas eu lieu.

Louis Legon, c'est dans le Vexin qu'il a commencé à pédaler, où ses parents s'étaient installés avant qu'il ne vienne au monde. Aujourd'hui, il pense qu'il devait avoir six ans la première fois qu'il a roulé cinquante bornes. On l'a bien mis au tennis, à l'équitation, à la gym : mais rien ne valait la petite décharge d'adrénaline qui picotait sur sa nuque quand il dévalait les sentiers en VTT. Car trop jeune pour courir sur route, il prit une première licence en cross-country avant d'avoir dix ans. Et presque aussi sec, il remporta ses premiers succès.

Mais c'est de route et de piste, et surtout de vitesse, qu'il rêvait. À quatorze, quinze ans, chez les cadets, il gagne des courses. Sur route et à la Cipale (qui est une transition douce vers la piste).

Louis Legon à Paris en 2016. (Bernard Legon)
Louis Legon à Paris en 2016. (Bernard Legon)
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Il est agile à vélo, il est heureux. Plus heureux qu'à l'école, en tout cas. On le retrouve à dix-huit ans ayant échoué au bac, mais décidant de ne pas insister, et de voler de ses propres ailes. Il quitte la maison et part s'installer à Lille. Pourquoi Lille ? Pour le vélodrome Jean Stablinsky. Le « Stab' », et ses 250 mètres de bois blond.

De la piste au fixie

Là, il se présente à l'accueil, tend la main et dégaine son beau sourire. « Je viens rouler bien sûr, mais je débarque et je cherche aussi un boulot. » Serveur à la ville, et plus tard vendeur cycle au b'Twin Village, il vient néanmoins rouler tous les jours. Sous la direction d'Arnaud Tournant et Sébastien Notin, alors en charge de la piste, Louis apprend, Louis progresse. Il remporte par deux fois le « Challenge des abonnés » du Stab', devient champion régional de la poursuite et de l'omnium.

Louis Legon au vélodrome Jean Stabinsky de Roubaix. (Bernard Legon)
Louis Legon au vélodrome Jean Stabinsky de Roubaix. (Bernard Legon)

Un groupe Facebook, « Lille Fixed Gear » l'amène aussi à s'essayer au fixie - d'autant plus aisément que l'ambiance trop grave des courses FFC l'ennuie. Un beau jour, il part avec un compère, direction Katendrecht aux Pays-Bas, puis Anvers : deux courses, deux « crits » dans le week-end. Sont présents quelques cadors de la discipline : Chas Christiansen, Paolo Bravini, Tim Ceresa... Mais lui, le débutant, se classe deux fois deuxième. On le repère. Sur les réseaux sociaux du Red Hook, il apparaît parmi les dix hommes à surveiller. Le team Disorderly Habits le contacte. Il en enfile bientôt le maillot avec son étrange emblème moitié myocarde, moitié tête de mort.

10 jours de coma, 30 fractures après un accident

Au printemps 2017, sa vie bascule. Le 2 juin, sur la route du retour après le Candie Crit de Toulouse, il est victime d'un terrible accident en compagnie de son pote et coéquipier Nicolas Oury. Les essuie-glaces déchaînés ne sont d'aucun secours, il pleut des seaux, pour la première fois depuis des semaines. La voiture glisse et se déporte. Louis Legon ne sortira du coma que dix jours plus tard, et, gavé de morphine, aura besoin de quelques jours supplémentaires pour comprendre pleinement ce qu'articule la bouche de son père : Nicolas Oury y a laissé la vie. Et Louis Legon est en morceaux. Trente fractures, les jambes, le bassin, toutes les lombaires, les côtes, la face, plus le poumon, le foie, la rate. « Tout sauf les bras », dit-il aujourd'hui, avant d'ajouter : « Pour les béquilles, c'est mieux ! »

Louis Legon dans la roue de Nicolas Oury lors du Candie Crit de Toulouse. (Lyob Zerihoun)
Louis Legon dans la roue de Nicolas Oury lors du Candie Crit de Toulouse. (Lyob Zerihoun)

Durant trois mois, il avale son deuil en position allongée. Reçoit les innombrables messages d'encouragement de toute la communauté du fixie, qui le galvanisent. Il se relève doucement, et entreprend de rebâtir son corps, qui n'affiche pus que 40 kg sur la balance. Il retrouve des copains de collège férus de musculation. Sur Instagram, il poste des photos de ses progrès, rigolant de ses quadriceps. Preuve de la joie de vivre qui le caractérise.

Neuf mois se sont écoulés depuis l'accident quand, plein d'émotions, il remonte sur son vélo pour une balade. Puis le 13 mai, il s'aligne sur la Rad Race, à Berlin. Il « chiale pendant la course », qu'il boucle dans le peloton à 39 km/h de moyenne. On l'applaudit, il est ému.

Mais, même s'il a prévu de courir à nouveau la Rad Race en août prochain, le chemin est long. Son squelette est bardé de matériel métallique, provisoire ici, définitif là. Avec le club « La Chance », il s'investit dans la création d'événements. Telles ces courses à la Cipale, dont ils promulguent le règlement. Des « courses aux points surprises » par exemple. Pour l'heure, il réalise un stage chez Look, après une formation de community manager. Un tremplin vers une nouvelle vie professionnelle. Toujours liée au vélo ?

publié le 22 juillet 2019 à 13h43 mis à jour le 22 juillet 2019 à 13h45
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