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Les confidences de « Stève le phoque »

Stève Stievenart a réalisé sa première traversée de la Manche à la nage en 2018. (E. Garnier/L'Équipe)
Stève Stievenart a réalisé sa première traversée de la Manche à la nage en 2018. (E. Garnier/L'Équipe)

Spécialiste des nages extrêmes en eau froide, Stève Stievenart raconte son drôle de parcours dans un livre, « Stève le phoque ». Et dévoile quelques détails de son prochain projet aux États-Unis.

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Pour beaucoup, le surnom serait plutôt humiliant. Pour Stève Stievenart, c'est au contraire une fierté. C'est pour ça qu'il a justement intitulé son autobiographie, parue chez Michel Lafon et écrite en collaboration avec le journaliste de L'Équipe, David Michel : « Stève le phoque ». Comme le mammifère marin, l'ancien gamin d'Abbeville, aujourd'hui âgé de 46 ans, se nourrit en grande quantité de poissons gras pour affronter les eaux froides de la Manche ou du lac Baïkal. Un changement de régime alimentaire qui l'a fait passer de 63 kilos à 110 kilos !

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Mais ce spécialiste des traversées à la nage extrêmes rappelle dans son livre que dans son enfance déjà, il passait ses journées à photographier les phoques en baie de Somme. Stève Stievenart a sous-titré sa biographie « le destin exceptionnel d'un homme sauvé par la mer ». En effet, son parcours est incroyable : à peine ado, il aide son père, reporter-photographe autodidacte, quitte l'école à 13 ans, lance ses propres magazines, sur les pin's ou les cartes de téléphone, devient champion de jet-ski... avant de se retrouver un temps, en 2017, semi-clochard, dans un hangar à Landrethun-le-Nord, sans chauffage ni eau courante. Avant de réaliser sa première traversée de la Manche à la nage, le 26 septembre 2018, de Douvres à Calais. Il a alors trouvé sa voie...

« Votre histoire est si incroyable que parfois on se dit que ce n'est possible, tout ce qui vous arrive. Dans le livre, vous racontez d'ailleurs qu'une journaliste du « Monde » (Anne Vidalie) a justement tenu à tout vérifier...
C'est vrai, la journaliste du Monde a fait une enquête très approfondie pendant plusieurs mois. Comme elle est allée voir des personnes qui me connaissent très bien, j'ai découvert des choses sur moi dans le journal. Cet article a eu beaucoup de résonance en France et à l'étranger. C'est lui qui m'a fait connaître.

Après il y a un passage télé dans "Quotidien", sur TMC, un Explore dans L'Équipe...
Quotidien
, il y a tellement une grosse audience... Douze minutes de direct comme ça, c'est énorme. Depuis, pas mal de médias, L'Équipe, des télés nous suivent. On a une belle visibilité. Je suis super content parce que c'est un sport en plein boom chez les jeunes. Ça crée des vocations.

« J'ai une grosse frustration de ne plus pouvoir courir à cause de cette prise de poids volontaire.

Stève Stievenart

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Vous pesez aujourd'hui plus de 110 kilos. Avez-vous la nostalgie de votre corps d'avant, quand vous pesiez une quarantaine de kilos de moins ?
Oui. À l'heure où je vous parle, j'ai une grosse frustration de ne plus pouvoir courir à cause de cette prise de poids volontaire. Autant dans l'eau, c'est un avantage indéniable, autant sur terre, c'est très contraignant. C'est comme si tu te baladais tous les jours avec un sac à dos de 47 kilos. Très mal répartis en plus avec le gros de la masse en haut parce que j'ai gardé mes jambes de marathonien, des baguettes très fines. Le gras s'est mis où il fallait, autour des organes vitaux, la nature est bien faite mais ç'a des conséquences au quotidien. Le regard des gens change aussi. Ils ne comprenaient pas trop ce que je faisais, ce que je préparais.

« Ma prochaine performance, c'est une nage qui va durer entre 40 et 50 heures. Je ne dis pas où mais ce sera début juillet, sur la côte ouest américaine. »

Stève Stievenart

Vous pourriez revenir à votre ancien corps ?
Oui, bien sûr, ça fait partie de mes projets mais pas maintenant. Je me donne encore entre 5 à 10 ans pour faire de la nage extrême. J'ai regardé les statistiques, les cinq prochaines années, c'est encore le bon moment pour réaliser de grandes performances, au-delà de 35 heures. Mais après, j'envisage d'enlever de la matière parce que j'ai envie de recourir. Aujourd'hui, je dois me contenter de la marche rapide. Après, quand je regarde mes analyses, je fais une prise de sang tous les mois, je n'ai pas de mauvais cholestérol. Ce bon gras, ces Omega-3 qui s'assimilent rapidement dans l'organisme, sont hyper bénéfiques.

Quels sont justement vos grands objectifs aujourd'hui ?
Je vais aux États-Unis, au lac Tahoe (entre la Californie et le Nevada) que j'ai traversé l'année dernière. C'est un camp de base, à 1 800 mètres. Ça me permet de passer trois semaines en altitude pour augmenter mon taux de globules rouges naturellement. Ça met aussi mon organisme sur le fuseau horaire de la Californie parce que mon épreuve va se passer là-bas... La performance, c'est une nage qui va durer entre 40 et 50 heures. Je ne dis pas où mais ce sera début juillet, sur la côte ouest, en lac ou en mer...

« Quand tu nages en pleine nuit en Californie, tu sais qu'il y a vingt-neuf espèces de requins en dessous de toi. »

Stève Stievenart

Et votre record est à combien ?
J'ai fait 34h45' en faisant le « Two Way » (traversée aller-retour non-stop) de la Manche. Là, je veux vraiment passer un palier. Je travaille sur le sommeil dans l'eau, on va voir comment ça fonctionne. L'idée est de faire des microsiestes de deux minutes sur certaines périodes. Parce que la nage extrême est un sport où ça ne s'arrête jamais. Tu n'as pas le temps de te reposer un quart d'heure. Même quand tu te ravitailles, tu dois te remettre à la verticale, tu risques des crampes...

Il y a encore des moments dans l'eau où, à cause des bateaux, des méduses, etc., vous vous faites peur ? Ou vous maîtrisez assez maintenant cette expérience ?
En réalité, on ne maîtrise rien du tout. Le mot d'ordre, c'est l'adaptation et de rester très humble par rapport à l'élément. La peur est légitime et naturelle parce que, dans ce que je fais, je redeviens une proie. Tous tes sens se remettent en éveil. Quand tu nages en pleine nuit en Californie, tu sais qu'il y a vingt-neuf espèces de requins en dessous de toi et que tu ne peux pas leur en vouloir de venir voir. »

(DR)
(DR)
publié le 13 juin 2023 à 11h00 mis à jour le 12 juillet 2023 à 16h09
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