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Crise des conseillers techniques sportifs : « Un resserrement du nombre de CTS » préconisé

La balle est dans le camp de la ministre des Sports Roxana Maracineanu qui a reçu mercredi matin le rapport sur les CTS. (L. Argueyrolles/L'Équipe)
La balle est dans le camp de la ministre des Sports Roxana Maracineanu qui a reçu mercredi matin le rapport sur les CTS. (L. Argueyrolles/L'Équipe)

Après six mois de travail, l'ancien gymnaste Yann Cucherat et le haut fonctionnaire Alain Resplandy-Bernard, les deux tiers de confiance choisis par la ministre des Sports Roxana Maracineanu lui ont remis, mercredi matin, leurs recommandations.

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« Comment résumer votre mission sur les six derniers mois ?
Yann Cucherat : c'est un lourd travail (sourire). On y a passé plus de six mois avec Alain (Resplandy-Bernard), et rencontré quatre-vingt-dix personnes issues de tous horizons. Tous souhaitent des évolutions du système. La question du statut est importante mais elle est secondaire par rapport aux enjeux de modernisation de la gestion des ressources humaines. C'est l'une des cinq recommandations transverses aux trois scénarios envisagés.

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Quels sont-ils justement ?
Alain Resplandy-Bernard : d'abord, il faut savoir de quoi on parle. 1 549 cadres techniques fonctionnaires, cela représente 121 M€ de coûts pour l'État, c'est plus que ce qui est versé aux Fédérations dans le cadre des conventions d'objectif, 83 M€. Ils font des métiers très différents, entraîneurs nationaux, DTN, chargés du développement du sport dans les quartiers, les régions... 40 % d'entre eux ont des compléments de rémunération fédéraux. À côté de ces 1 549 CTS, il y a presque autant de cadres techniques fédéraux qui peuvent remplir les mêmes missions mais qui sont des contractuels de droit privé des Fédérations.

Y.C. : le scénario 1 est un aménagement marginal du système actuel. Les CTS resteraient des fonctionnaires. Ils seraient affectés soit à la direction des Sports soit dans un service déconcentré (dans les régions) et travailleraient auprès des Fédérations. Les aménagements marginaux seraient liés aux préconisations qui apparaissent dans le rapport des inspecteurs généraux de 2018 (*). Ce scénario a l'acceptation syndicale mais des Fédérations vont se positionner comme des demandeurs de postes budgétaires supplémentaires d'une année sur l'autre. Avec Paris 2024, on peut être en position de force mais, une fois que les Jeux seront terminés, il faudra renégocier des postes budgétaires d'une année sur l'autre.

Cinq recommandations
- Créer une direction des ressources humaines moderne et mutualisée pour les cadres d'État et fédéraux, de préférence rattachée à l'Agence nationale du sport.

- Confier le pouvoir hiérarchique des cadres aux directeurs techniques nationaux (DTN).

- Attirer les meilleurs entraîneurs nationaux.

- Créer une école des cadres d'État et fédéraux ouvertes aux dirigeants des Fédérations.

- Nommer un garant de l'éthique indépendant et incontournable qui a les moyens d'assurer sa mission.
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A.R.-B. : le scénario 3 est de dire : on arrête de recruter des fonctionnaires. C'est la mise en extinction du corps des CTS. À partir de maintenant, l'État finance tous ces postes au fur et à mesure des départs par des subventions versées à la Fédération qui recrute des contractuels de droit privé. Il a un avantage, très simple : l'État ne met plus de fonctionnaire et garde ceux qui sont en place. Pour nous, ce scénario ne prend pas assez en compte la diversité des métiers des Fédérations ; il est trop brutal et créera un vrai blocage.

Le scénario 2 est donc votre préféré ?
A.R.B. : Oui, c'est celui d'un resserrement du corps des CTS, c'est-à-dire du nombre de CTS fonctionnaires. On n'a pas donné de chiffres car il faut d'abord effectuer un travail fin. C'est au ministère de le mener avec les Fédérations pour dire quels sont les métiers où il est intéressant d'être fonctionnaire et ceux où ce n'est pas un atout dans la compétition. Cela va dépendre des Fédérations, des disciplines. C'est bien d'avoir des experts capables de passer d'une discipline à l'autre.

« Il faudrait rouvrir le concours (des professeurs de sport). On préconise de l'ouvrir en priorité aux sportifs de haut niveau

Yann Cucherat

Quid du concours des professeurs dans ce scénario ?
Y.C. : on veut qu'il y ait toujours des cadres d'État et des fonctionnaires qui puissent exercer auprès des Fédérations, donc il faudrait rouvrir le concours. On préconise de l'ouvrir en priorité aux sportifs de haut niveau parce que ce sont eux qui ont un parcours, un bagage et une expertise particulière, qu'ils peuvent ensuite transférer au bénéfice de leur Fédération.

Et pour les autres postulants au concours ?
A.R.-B. : l'idée n'est pas de remplacer tous les départs car on est dans un resserrement. On doit voir Fédération par Fédération, celles qui préfèrent avoir la subvention et recruter un cadre de droit privé. Il y aura forcément moins de recrutements que par le passé ; on dit qu'il faut privilégier les sportifs de haut niveau. Cela ne veut pas dire 100 % de sportifs de haut niveau mais un apport majeur. C'est aussi un moyen pour l'État d'assurer la reconversion professionnelle de gens qui se sont investis dans la haute performance.

Et quid du détachement ?
Y.C. : on ne propose pas un détachement d'office, on dit juste que ceux qui vont partir à la retraite, ou ceux qui vont décider de partir dans d'autres missions, ne seront pas remplacés. L'État pourra proposer des compensations financières aux Fédérations pour recruter des agents de droit privé qui seront sous l'autorité du directeur technique national.

A.R.-B. : le détachement subi, pour nous, n'est pas respectueux des individus. Le gouvernement l'a abandonné et il n'est plus dans le paysage.

Quel sera le montant de la compensation financière pour les Fédérations ?
A.R.-B. : l'État nous a rappelé que l'on n'était pas là pour faire des économies. Le but est aussi de gagner en souplesse. Le problème du système d'avant - on le voyait quand vous décidiez de placer un cadre technique avec 40 ans de carrière auprès d'une Fédération - est qu'il est très difficile à modifier. On le voit dans la répartition des CTS par Fédération. Certaines sont très bien dotées parce que c'est le fruit de l'histoire et d'autres, dans des disciplines plus émergentes, le sont moins. Vous ne pouviez allouer les moyens que lors des départs en retraite. Si vous mettez des subventions, c'est beaucoup plus facile d'accompagner les disciplines émergentes.

Il faut que l'État affirme son ambition et tranche rapidement

Alain Resplandy-Bernard

Quand préconisez-vous une mise en oeuvre ?
A.R.-B. : il faut que l'État affirme son ambition et tranche rapidement pour que l'on mette ce sujet derrière nous. Après, la mise en oeuvre pratique peut prendre un peu plus de temps.

Y.C. : aujourd'hui, cette forme d'incertitude cristallise les tensions. Il est urgent que l'État donne ses orientations très claires pour que chacun sache ce qu'il fera demain. Je pense que le scénario 2 et le resserrement du corps des fonctionnaires doit être lissé dans le temps. Si on se dit que pendant cinq ans, jusqu'à Paris 2024, l'orientation donnée par l'État va bouger progressivement et si on se rend compte qu'à certains endroits cela ne fonctionne pas, il faut pouvoir réguler. C'est plus cohérent que de dire : à partir de 2020 on transforme tout et on casse la machine qui fonctionne. »

(*) Le rapport de l'inspection générale remis en novembre 2018 apporte son soutien aux CTS et invite le gouvernement à agir prudemment car ils sont la « cheville ouvrière du sport de haut niveau et du développement des pratiques sportives ».

publié le 4 décembre 2019 à 13h59
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