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Antidopage : les États-Unis sèment la peur avec leur projet de loi

Patron de l'agence antidopage américaine USADA, Travis Tygart est un grand défenseur du Rodchenkov's act. (J. Startt/L'Équipe)
Patron de l'agence antidopage américaine USADA, Travis Tygart est un grand défenseur du Rodchenkov's act. (J. Startt/L'Équipe)

Un projet de loi, le Rodchenkov Act, met le petit monde de l'antidopage en émoi. Il pourrait permettre à la justice américaine d'endosser son costume de gendarme du monde et de sanctionner le dopage partout sur la planète.

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Une fois expédiée la formalisation de l'élection du nouveau président de l'AMA (Agence mondiale antidopage), le Polonais Witold Banka (il entrera en fonction le 1er janvier prochain), le conseil de fondation de l'agence s'est offert une ultime chamaillerie avant de clore la Conférence mondiale sur le dopage dans le sport, cet après-midi. Au centre des débats, le projet américain de loi qui vise ni plus, ni moins à faire des États-Unis le gendarme du dopage partout dans le monde.

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Le Rodchenkov Act porte le nom de l'ancien directeur du laboratoire de Moscou au centre des magouilles des JO de Sotchi 2014 et qui a fui aux États-Unis, où il a contribué à révéler le dopage institutionnalisé en Russie. Les Américains, qui ne sont pas encore dotés d'une loi sanctionnant pénalement le dopage, comme la France ou l'Italie, ont imaginé un projet qui sanctionnera d'une peine de prison quiconque fabrique, procure ou utilise des produits dopants, augmentera le temps de prescription pour les poursuites au civil et permettra de protéger les lanceurs d'alerte.

« Cette loi a pris modèle sur ce qui a permis de sanctionner les affaires de corruption de la FIFA. C'est important pour l'entourage des athlètes. C'est de cette façon qu'on peut resserrer le noeud autour d'eux »

Travis Tygart, directeur de l'agence antidopage américaine (USADA)

Mais son originalité réside dans son principe d'extraterritorialité. Il suffira de réunir plusieurs critères assez simples (au moins trois nations représentées dans un événement sportif plus la participation d'au moins quatre athlètes américains ou l'engagement d'au moins deux sponsors américains) pour que la justice américaine puisse poursuivre n'importe qui (pas seulement les citoyens américains) sur n'importe quel événement sportif n'importe où dans le monde. N'en sont exclues que... les ligues américaines comme le base-ball ou le foot US.

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Il y a quelques jours, le projet a été adopté par la Chambre des représentants (les députés américains) et sera bientôt soumis au Sénat. « Il bénéficie d'un grand soutien : la plupart des organisations sportives américaines, le comité olympique et paralympique américain, les commissions d'athlètes de différents sports et de l'AMA, assure Travis Tygart, le patron de l'agence antidopage américaine, USADA, grand défenseur du Rodchenkov Act. Cette loi a pris modèle sur ce qui a permis de sanctionner les affaires de corruption de la FIFA. C'est important pour l'entourage des athlètes : entraîneurs, médecins... C'est de cette façon qu'on peut resserrer le noeud autour d'eux. »

À l'AMA, le principe d'extraterritorialité du Rodchenkov Act fait grincer des dents

Mais à l'AMA, le projet fait grincer les dents. Notamment le principe d'extraterritorialité. Jeudi, partisans et adversaires du Rodchenkov Act ont échangé leurs espoirs et leurs craintes. Les soutiens des États-Unis accusent l'AMA d'exercer du lobbying contre le projet quand les responsables de l'agence répondent qu'il est de leur devoir d'informer des parlementaires américains qui n'ont entendu que le discours d'USADA.

Le directeur général, Olivier Niggli, a précisé que l'AMA avait demandé des précisions aux Américains. Seulement, le délai semble court. Le projet pourrait être adopté dans quelques mois, laissant l'AMA devant le fait accompli. Le mouvement sportif est inquiet et les gouvernements, divisés, comme d'habitude.

Le budget de l'agence a également soulevé quelques interrogations. L'AMA attaquera l'année 2020 avec un déficit de deux millions de dollars. En partie dû aux dépenses générées par le traitement de l'affaire russe mais aussi en raison des frais juridiques occasionnés par l'affaire Beckie Scott (1,3 million de dollars à elle seule), la représentante des athlètes qui avait dénoncé la pression exercée sur elle lors du premier vote sur la Russie. Witold Banka, qui a tonné contre le manque de moyens de l'agence, a du souci à se faire.

publié le 7 novembre 2019 à 21h48 mis à jour le 7 novembre 2019 à 22h07
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