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Jelena Dokic a vaincu ses démons

Jelena Dokic n'a pas coupé les ponts avec le tennis. (P. Lahalle/L'Équipe)
Jelena Dokic n'a pas coupé les ponts avec le tennis. (P. Lahalle/L'Équipe)

Longtemps harcelée par un père toxique, l'Australienne Jelena Dokic a enfin trouvé la paix et la joie de vivre.

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Il y a 20 ans, Jelena Dokic atteignait les demi-finales de Wimbledon. Malgré une défaite sans appel face à Lindsay Davenport (6-4, 6-2), l'Australienne aurait dû vivre un des plus beaux jours de sa vie. Ce fut un cauchemar. Cherchant du soutien vers son box à la fin de la partie, elle croisait le regard de son père. Furieux, le paternel s'empressait de quitter le stade sans rien dire à sa fille.

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Quand elle parvint enfin à le joindre au téléphone, elle s'entendit traiter de pathétique vache sans espoir et se voyait interdire de revenir à l'hôtel. Dokic fondait alors en larmes dans un vestiaire déserté. Elle touchait le fond lorsqu'un employé de service lui faisait comprendre qu'elle n'allait pas pouvoir passer la nuit là. Il fallut l'intervention de l'arbitre Alan Mills pour s'assurer que la jeune femme aurait bien un lit pour la nuit au village de Wimbledon.

Interdite d'hôtel par son père

L'anecdote ne prête guère à sourire, mais elle n'est presque rien par rapport à ce que Damir Dokic a fait vivre à sa fille. « J'en ai bavé. Mais je n'avais pas vraiment le choix. Soit j'arrivais à m'en sortir, soit j'abandonnais. À un moment, j'ai vraiment pensé à me suicider. Mais dans la vie, je suis comme sur un court de tennis, je pense toujours qu'il y a une solution. J'étais sûre qu'il y aurait du meilleur, que je trouverais la solution. Je me battais pour ça, le droit à une vie meilleure un jour », a-t-elle confié au Telegraph. Aujourd'hui, Dokic (37 ans) savoure cette vie meilleure en Australie. « Je chéris juste le fait de pouvoir boire mon café sur la plage. En vieillissant, on veut se séparer des choses qui ne nous rendent pas heureux. »

À commencer par un père excentrique, trop souvent réduit à une punchline ou à un débordement amusant lors des matches de sa fille. En privé, pourtant, il n'y avait pas de quoi rire. « Les gens ont fait de mon père une blague ambulante. Ils avaient complètement tort. Personne ne s'est jamais demandé si c'était sain pour moi de rester avec une telle personne. Je n'étais qu'une adolescente... »

Damir Dokic, un père toxique. (J.-M.Pochat/L'Équipe)
Damir Dokic, un père toxique. (J.-M.Pochat/L'Équipe)
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En 2000, une photo aura fait débat. Dokic est en train de s'entraîner sans que rien ne semble sortir de l'ordinaire. Sauf qu'à bien y regarder, ses jambes sont couvertes de bleus. Dans son autobiographie parue en 2017, « Unbreakable » (Incassable), Dokic expliquait le traitement infligé par son père après une défaite précoce à Montréal. « Il m'a frappée avec son poing. Ensuite, il m'a fait me tenir droite et m'a donné des coups de pied dans les tibias avec ses chaussures de ville pointues. Quand j'ai pleuré de douleur, il m'a obligée à me remettre en position et il a recommencé. »

Et quand Dokic a trouvé un peu d'espoir dans les bras du pilote de F1 brésilien Enrique Bernoldi, son père annulait sa carte de crédit et la laissait sans argent. L'argent, le nerf de la guerre, bien évidemment. « C'était ce qu'il y avait de plus important pour lui. »

Jelena Dokic en 2000. (R.Martin/L'Équipe)
Jelena Dokic en 2000. (R.Martin/L'Équipe)

La séparation avec ce père toxique aura finalement lieu. Dokic essaiera cependant de renouer le lien familial. Sans vrai succès. « Je n'arrivais pas à croire qu'il était vraiment comme ça. Il ne montrait aucun remords, pensait qu'il avait fait tout bien et que si c'était à refaire, il ferait exactement la même chose. »

Damir reste enfermé dans ses certitudes en Serbie, Jelena a retrouvé le goût de vivre en Australie, loin de la dépression qui a empoisonné ses seize ans de carrière.

publié le 29 juin 2020 à 16h09
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