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Cyberharcélement - Thierry Tulasne : «(gérer l'utilisation des joueurs du téléphone portable) Ça fait partie de mon travail de formation»

Thierru Tulasne veut protéger Harold Mayot des réseaux sociaux. (P. Lahalle/L'Équipe)
Thierru Tulasne veut protéger Harold Mayot des réseaux sociaux. (P. Lahalle/L'Équipe)

Thierry Tulasne, l'entraîneur de Harold Mayot, le champion junior de l'Open d'Australie, est très sensible à tout ce qui concerne l'utilisation du téléphone portable. Jusqu'à y consacrer une part importante de son job.

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« Vous semblez très concerné par le sujet de l'utilisation des smartphones...

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C'est un sujet fondamental. Avec Harold (Mayot), ça fait partie de mon travail de formation et de conseil pour lui apprendre à maîtriser ça. C'est celui qui sera le mieux conseillé et le mieux organisé qui en pâtira le moins ou s'en servira de manière positive.

Et c'est dur ?

Ça fait trois mois qu'on en parle vraiment, mais c'est extrêmement dur pour lui. C'est quelque chose de complètement addictif. Cette nouvelle génération est scotchée à son téléphone. Elle a du mal à rester concentrée longtemps et ça se ressent sur le terrain. Ils sont toujours en train de zapper. Ça n'aide pas à rester concentré non plus quand on débriefe. Au bout de cinq, dix minutes je vois le regard de Harold partir. L'application qui mesure le temps passé sur le téléphone lui montre que c'est du huit, neuf heures par jour ! Harold me disait que le but dans sa vie, c'était d'avoir un compte certifié sur Instagram. Il le disait en rigolant, mais c'est quand même révélateur, ça résume l'état d'esprit de cette jeune génération...

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Vous vous y prenez comment ?

On met des règles à table pour ne pas sortir le téléphone. Je lui dis que ça bloque notre conversation. À table, j'aime bien donner un thème de discussion, un débat. Dans les temps morts, je l'initie au backgammon, à l'ancienne ! Avec les échecs ou les jeux de carte pour avoir une interaction dans la vraie vie.

S'ajoute à cela l'importance des réseaux sociaux.

Il faut vraiment maîtriser l'outil et c'est très compliqué. Les jeunes voient à quel point la moindre victoire a une incidence exacerbée dans l'adulation et la moindre défaite dans la détestation avec des insultes ou des menaces avec les parieurs. Même si Harold ne joue les Futures que depuis six mois, il est souvent insulté. Ça fait déjà partie de son quotidien. Ce n'est pas positif. Il s'agit de très jeunes gens, manipulables, sensibles, sur le fil du rasoir, ils ont du stress, ils voyagent tout le temps. Tout touche Harold, il a accès aux commentaires de tout le monde. C'est impossible à gérer quand on est sensible, jeune. On a envie d'être aimé, pas d'être insulté, on a envie que les gens croient en nous.

Comment ça se manifeste concrètement ?

Quand il bat son premier top 100 en janvier, on est à Bendigo au fin fond de l'Australie, on est juste dans notre truc, il a fait un bon match, mais pas exceptionnel non plus, et tout à coup , quand il consulte son téléphone, il voit qu'il se passe des trucs autour de lui qu'il n'a pas forcément besoin de voir. Il y pense aussi pendant les matches qu'il joue... C'est ce qu'il m'a dit la semaine dernière à Cherbourg (défaite 6-4, 3-6, 6-7 [4]). À 6-4, 1-1 contre Hoang, j'ai bien vu qu'il y avait eu une espèce de fébrilité. Il pensait à ce qu'avaient mis les gens sur les réseaux, quand ils avaient dévalorisé le fait qu'il soit n°1 junior et un nouvel éternel espoir.

La solution, selon vous ?

Il faut avoir quelqu'un qui s'en occupe pour vous, dès le plus jeune âge. Il ne faut pas gérer personnellement son compte. C'est ce qu'on va faire pour Harold. »

publié le 19 février 2020 à 09h30
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