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Clément Marienval : « Les clubs ne savent pas, c'est ni oui ni non »

Reconverti agent de joueurs, Clément Marienval se montre lucide sur l'avenir économique difficile qui attend quelques uns de ses clients.  (twitter @MarienvalC/.)
Reconverti agent de joueurs, Clément Marienval se montre lucide sur l'avenir économique difficile qui attend quelques uns de ses clients. (twitter @MarienvalC/.)

L'ancien trois-quarts centre, aujourd'hui agent de joueurs (SD Management), décrypte la frilosité actuelle des clubs.

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« Où en êtes-vous avec vos joueurs en fin de contrat ?
On avait heureusement sécurisé l'avenir de la plupart d'entre eux avant le confinement, mais c'est vrai que pour trois ou quatre, c'est compliqué. Des discussions avancent avec certains, mais j'ai peur qu'un ou deux soient obligés de revoir leurs objectifs à la baisse en descendant d'une division.

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Commencent-ils sérieusement à envisager cette éventualité ?
Oui. Les deux mois et demi de confinement ont fait leur effet. J'ai été aussi à leur place, ce n'est jamais simple. J'essaie de les avoir au moins une fois par semaine pour leur filer des informations des clubs. Malheureusement, j'ai un peu toujours le même discours à leur donner : les clubs ne savent pas, c'est ni oui ni non. À partir de là, j'ai des mecs en Pro D2 qui sont assez intelligents pour se dire qu'ils devront sans doute rétrograder d'un cran. N'est-ce pas mieux de privilégier aujourd'hui un bon projet en Fédérale 1, où ils seront sûrs de jouer et de prendre du plaisir, que d'attendre le dernier moment pour trouver à l'arrache une place dans un club de Pro D2 qui ne leur correspondra pas forcément et où ils ne seront pas épanouis ? C'est un vrai choix.

« Tout le monde est touché, même des gros joueurs. J'en connais qui ont eu des propositions de clubs de Top 14. Ils les ont jugées trop faibles. Mais aujourd'hui, à quoi peut-on prétendre dans le rugby actuel après le coronavirus ?

Clément Marienval

Quels obstacles rencontrez-vous dans vos négociations avec les clubs ?
Le problème, c'est que beaucoup ne connaissent pas encore l'impact réel qu'aura la crise sur leur budget. Ça joue forcément sur leur recrutement. Certains nous avaient dit avant le confinement qu'il leur restait deux ou trois joueurs à recruter. Aujourd'hui, ils nous disent qu'ils feront finalement sans. D'autres préfèrent d'abord négocier des baisses de salaire avec leurs joueurs sous contrat plutôt que de chercher à renforcer leur effectif. C'est sûr que ça ne doit pas être facile d'annoncer à tes joueurs que tu vas recruter tel ou tel gars quand, dans le même temps, tu essaies de baisser leurs émoluments de 20 %...

Les clubs de Pro D2, voire de Fédérale 1, se montrent malgré tout assez actifs sur le marché...
Normal, ils sont moins impactés par la crise que ceux du Top 14. En Pro D2, très peu de joueurs gagnent 7 000 € brut par mois. La grande majorité est en-dessous. Du coup, grâce à la mise en place du chômage partiel, ils n'ont rien eu à sortir, c'est l'État qui a pris les salaires en charge. Ce sont aussi des clubs qui, à l'exception de Vannes, ne tirent pas des recettes monstrueuses de la billetterie. Au final, certains sont peut-être sortis gagnants de cette histoire.

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Quels sont les joueurs les plus fragilisés par cette situation ?
Tout le monde est touché, même des gros joueurs. J'en connais qui ont eu des propositions de clubs de Top 14. Ils les ont jugées trop faibles. Mais aujourd'hui, à quoi peut-on prétendre dans le rugby actuel après le coronavirus ? J'ai un joueur pour qui on avait discuté d'une revalorisation salariale dans son club. C'était quasiment "dealé" avant le confinement. Mais le joueur a voulu batailler pour des conneries, genre 100 balles de plus par mois, et au final, après le confinement, il se retrouve à signer pour 25 % de salaire en moins. Voilà. On est quand même dans une situation très compliquée. Quand un club arrive et te fait une proposition de salaire d'un montant quasiment égal à celui que tu avais avant, comme c'est arrivé à un de nos joueurs qui touchait 10 000 € net par mois, tu as plutôt intérêt à saisir l'opportunité, plutôt que de dire que ce n'est pas assez. »

publié le 5 juin 2020 à 09h30
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