L'ÉQUIPE

Championnats du monde amateur à Bahreïn : des Bleus et des mots

Nicolas Ott (à gauche) et Aldric Cassata (à droite), deux des coaches de l'équipe de France.
Nicolas Ott (à gauche) et Aldric Cassata (à droite), deux des coaches de l'équipe de France.

Il y a beaucoup de bruit autour d'une cage de MMA. Et ceux qui résonnent le plus ne sont pas forcément l'impact des coups ou la musique d'ambiance. Dans les coins bleus et rouges, les entraîneurs délivrent leurs conseils, pas toujours limpides pour une oreille profane. Avec toujours le même objectif : gagner ensemble.

ma liste
commenter
réagir

La légende disait vrai. Il était là, le prince Khalid Ben Hamed Al Khalifa au premier jour des 6es Championnats du monde organisées par l'IMMAF-WMMAA (la Fédération internationale de MMA). Basket, survêt, maillot de foot sur le dos et casquette verte vissée à l'envers sur laquelle on pouvait lire : « Bonjour Caliente. Saint-Tropez » !

L'ÉQUIPE

Vrai aussi qu'il porte serviette et seau et court d'une cage au vestiaire, du vestiaire à une autre cage (il y a quatre aires de combats en simultané), au taquet pendant les presque 8 heures de compétition et les 123 combats au total du jour. Surtout, il prend place autour de la cage, comme un coach professionnel, frappe des poings sur le canvas de l'aire de combat, vocifère ses conseils, exulte, enrage, encourage...

« Éloigne tes fesses, posture, bataille de mains... »

Que peut-il bien leur dire, à ses combattants bahreïnis ? Peut-être la même chose que les entraîneurs français (le head coach, deux adjoints et un préparateur physique) qui se relaient auprès des athlètes pour leur apporter soutien, conseils et coups de gueule aussi, parfois. « Hanches en avant ; bataille des mains ; 1,1,2 puis 1,2,1, ça marche aussi ; éloigne tes fesses ; posture ; prend la montée... » Comment ça ? Cela ne vous parle pas ? C'est du charabia ?

L'ÉQUIPE

« 50 % du combat se passe le dos contre la cage. Dans cette configuration, on parle souvent des épaules, des hanches ou de la tête pour faire des mouvements qui vont permettre de coller l'adversaire, d'être le plus compact possible pour ne pas laisser d'espace ou au contraire de s'en créer. La plupart des consignes que l'on donne c'est pour le clinch (le corps à corps debout) ou au sol. Les consignes que l'on donne debout : ''monte ta garde, tourne du bon côté''... n'ont pas beaucoup d'incidences, c'est surtout à l'inspiration du combattant. En revanche, sur les autres phases, c'est là que l'on peut guider », explique Aldric Cassata, l'entraîneur en chef de l'équipe de France. « Contrôler la hanche, c'est contrôler le centre de gravité de l'adversaire. Il faut savoir utiliser son poids », poursuit Iurie Bejenari, entraîneur adjoint.

Des mots « un peu barbares » remplis de sens

Et le fameux éloigne tes fesses alors, entendu toute la journée ? « C'est une question de gestion de l'espace. Au sol, plus tu as les hanches basses, plus le poids que tu représentes pour ton adversaire est important », abonde Cassata. « Sortir les fesses, c'est les mettre vers l'extérieur, se mettre sur un côté pour encore une fois créer de l'espace et mieux gérer le poids du corps », poursuit Bejenari.

« Ces mots un peu barbares, c'est pour faire comprendre rapidement et de façon précise le bon geste à faire, techniquement efficace. C'est associer un mouvement à une consigne sans réfléchir. On ne peut pas se permettre d'être trop technique, c'est trop d'informations pour le combattant », intervient Bakary Sissako, le préparateur physique.

Quant à la bataille de mains (les Américains disent nager, les Brésiliens grimer), il s'agit encore une fois de se créer de l'espace dans des aspects de lutte gréco-romaine. La consigne « posture », c'est de se redresser, que l'on soit au-dessus ou en dessous, pour avoir plus d'efficience sur les frappes ou de défendre une soumission. « On est là pour permettre au combattant de gagner le combat, on cherche une performance, et si on fait notre boulot, on doit tout faire pour permettre au combattant de l'emporter, on doit le bonifier », explique Cassata.

Le MMA, un sport d'équipe

On comprend alors facilement, comme le répètent à l'envi les stars de l'UFC, qu'il est difficile de pratiquer le MMA tout seul, et que c'est un sport, par définition individuel voire individualiste, pratiqué en équipe. À l'entraînement, durant les préparations, les combats, l'artiste martial construit ses techniques et son foncier à plusieurs. Le silence des coaches lors d'un combat peut dès lors surprendre, voire paraître pesant.

« Tu peux gagner ou perdre un combat, c'est le principe. Mais il faut tenter. Il faut tout donner. Et nous, on est là pour accompagner. Les choses, on doit les faire ensemble. Si le combattant décide de faire son combat tout seul, on peut devenir mutique », explique Nicolas Ott, entraîneur adjoint.

« Ce qui fonctionne souvent en coaching, ce sont des choses simples, basiques comme le '1,1,2'', ce qui signifie bras avant, bras avant, bras arrière », poursuit Ott. « Notre rôle c'est aussi d'essayer d'être connecté avec le combattant, de bonifier les domaines dans lesquels il est le meilleur et l'encourager dans cette voie », pose Sissako.

Au terme de cette première journée de 14 combats pour les Bleus, le ratio est de 9 victoires pour 5 défaites. Un score historique même si les entraîneurs auraient aimé mieux faire. Et ils pensent avoir le remède. « La différence fondamentale entre ceux qui ont gagné et perdu, c'est le respect des consignes de vos coaches, a débriefé Cassata à la fin de cette longue journée. Si vous voulez faire votre combat dans votre coin, vous n'avez pas besoin de nous ». CQFD.

Presque tout comme les pro
Il a quelques différences entre les équipements et la légalité des coups portés.

En amateurs, les combats de MMA se déroulent sur trois rounds (contre 3 ou 5 chez les professionnels) de trois minutes (contre cinq minutes).

Les amateurs portent, en plus des mitaines, des protège-tibias et un t-shirt (les hommes professionnels sont torse nu et n'ont aucune protection).

Les amateurs ne peuvent utiliser tous les coups des professionnels : pas de coups de genou à la tête, pas de coups de coude, quelle que soit la partie du corps, et les clefs en torsion sont interdites.
publié le 12 novembre 2019 à 00h04 mis à jour le 16 novembre 2019 à 17h19
Les commentaires sont soumis à des règles de modération. lire la charte