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Paris 2024

Nikos Aliagas, maître de cérémonie de l'allumage de la flamme olympique : « Le silence n'existe pas en Grèce »

Nikos Aliagas sera le maître de cérémonie lors de l'allumage de la flamme olympique. (Laurène Valroff/L'Équipe)
Nikos Aliagas sera le maître de cérémonie lors de l'allumage de la flamme olympique. (Laurène Valroff/L'Équipe)

Nikos Aliagas sera le maître de cérémonie pour l'allumage de la flamme olympique en Grèce, à Olympie, aujourd'hui. D'origine grecque, il prend cette mission très à coeur.

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L'histoire de Nikos Aliagas avec les Jeux Olympiques n'en est pas à ses débuts : en 2004, il avait porté la flamme et joué le rôle de l'ouvrier plantant le dernier clou des travaux lors du pré-show de la cérémonie d'ouverture à Athènes. Vingt ans plus tard, il revêt cette fois la casquette de maître de cérémonie lors de l'allumage de la flamme à Olympie, ce mardi matin. Avant de la voir embarquer, le vendredi 26 avril, sur le « Belem », au port du Pirée, direction Marseille.

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« Quel sera votre rôle pour la cérémonie d'allumage de la flamme olympique ?
Le Comité Olympique Hellénique (HOC) m'a proposé d'endosser de nouveau le costume de volontaire pour accompagner la cérémonie. Elle est très institutionnelle, très symbolique, avec les grandes prêtresses, l'allumage de la flamme avec un miroir parabolique, une incantation auprès des dieux Apollon et Zeus. Mon rôle sera très protocolaire : j'annoncerai l'arrivée de la présidente, l'allumage de la flamme, le discours de Tony Estanguet (le président de Paris 2024) et celui du HOC, les hymnes nationaux... Je le ferai en grec d'abord, puis en français et en anglais. C'est assez court mais c'est très puissant.

« Je suis là pour donner du sens à cette cérémonie, à une époque où chaque image remplace l'autre, avec les guerres, des peuples divisés... »

Nikos Aliagas

Comment se prépare-t-on à un tel événement ?
La grande difficulté est de trouver sa place. Je ne serai pas le showman de la télé mais un accompagnateur. Je l'ai déjà fait, mais jamais à Olympie. Ce lieu n'est pas vide, comme le laissent supposer les images. Il est chargé d'ondes, d'émotions, de non-dits. Le silence n'existe pas en Grèce. J'ai une fascination pour le passé et la constitution de notre identité européenne. Je photographie depuis des années tous ces endroits symboliques qui résistent au temps. Je suis là pour donner du sens à cette cérémonie, à une époque où chaque image remplace l'autre, avec les guerres, des peuples divisés...

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Ce rôle a d'autant plus d'importance que vous êtes franco-grec...
J'ai accepté de le faire pour être utile et pour honorer à la fois les racines de mes parents et le pays où je suis né. Mes parents sont arrivés en France dans les années 1960. Ils n'avaient pas pour projet de rester longtemps mais de retourner au pays car leur vie était là-bas. Finalement, jusqu'à la fin de sa vie, mon père était à Paris. Et ma mère y vit encore. Mais ils voulaient que je sois prêt à repartir à n'importe quel moment. Donc j'ai fait des doubles cursus. Quand mes potes allaient s'amuser, moi, j'apprenais le grec. Ça m'a aidé d'un point de vue professionnel. Je ne connaissais personne à la télé, mais bien maîtriser l'actualité grecque et parler la langue m'a permis de faire mon chemin de journaliste en devenant le spécialiste de la Grèce. J'ai commencé comme ça à Euronews, au début des années 1990.

« Teddy Riner, je le photographie depuis des années, je le suis et j'espère qu'il va tout exploser à Paris »

Nikos Aliagas

Dans le monde sportif, quelle nation soutenez-vous ?
C'est toujours compliqué ! Quand j'applaudis l'un, je me fais insulter, et vice-versa. Je ne vais pas botter en touche mais je suis fier des résultats des deux pays. Après, j'ai des coups de coeur pour des sportifs qui n'ont rien à voir avec leur nationalité mais avec leur excellence. Teddy Riner, je le photographie depuis des années, je le suis et j'espère qu'il va tout exploser à Paris. Pareil pour la coqueluche de la gymnastique française, Mélanie De Jesus Dos Santos (24 ans), ou le petit dieu du breakdance, Martin Lejeune (21 ans).

Vous êtes vous-même un ancien judoka.
J'en ai fait pendant de nombreuses années. Puis je me suis blessé. Je venais d'avoir ma ceinture noire. Lors de ma première compétition, sur un tai-otoshi (renversement du corps par barrage), le mec me pousse le genou. Merci, au revoir... À vie... C'est moche (rires). J'ai eu des épanchements pendant des années. Aujourd'hui, je nage, je fais du vélo pour que mon corps continue de me répondre (il aura 55 ans le 13 mai).

Un jour, Didier Deschamps m'a dit que ce que je faisais se rapprochait de leur pratique de haut niveau. J'étais sceptique, puis il m'a parlé du mental. Tu n'arrives pas les mains dans les poches face à des millions de téléspectateurs. Tu peux te planter physiquement et éditorialement. Il faut survivre à ce moment où tu n'es pas dans une vibration du quotidien. Et il faut gérer l'après aussi. Quand j'ai commencé, j'avais à peine 30 ans et il me fallait une nuit ou deux pour retomber, tellement la montée d'adrénaline était dingue ! On vit l'instant comme un sportif, sans réfléchir, sans se projeter, sans se regarder.

Vous êtes aussi photographe. Le sport vous inspire ?
Pour photographier des matches avec un objectif de 800 ou 1000 mm, il faut avoir l'art de la respiration, de l'anticipation. C'est très difficile et je ne sais pas bien le faire. Mais j'ai fait des portraits de sportifs, de l'équipe de France de football avant son départ à Moscou (en 2018 pour la Coupe du monde), de Teddy Riner... Je m'intéresse surtout aux mains, elles ne mentent jamais. Et celles des sportifs, comme celles des artistes, ont énormément de vécu.

Les mains de Teddy Riner, on dirait des pinces tellement elles ont tiré sur les kimonos. Celles des navigateurs sont remplies de cornes et bouffées par le sel... Il y a trois ans, j'avais eu l'idée de photographier les grands espoirs de Paris 2024, ça n'a pas abouti. Mais je ne désespère pas de photographier ceux qui brandiront la médaille... D'ailleurs, la gravure des médailles, je la trouve exceptionnelle. Il y a la tour Eiffel et le Parthénon, les symboles de ma vie ! Je sais que les reproductions sont interdites, mais s'il pouvait au moins y avoir des affiches... Je passe un message : pensez aux Franco-Grecs ! (rires)

publié le 16 avril 2024 à 08h00 mis à jour le 16 avril 2024 à 08h00
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