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F1 : Senna, Hill, Prost, Schumacher... les princes de Monaco

Ayrton Senna (McLaren-Honda) devant Alain Prost (Ferrari) au départ du GP de Monaco 1990. (BOUTROUX/L'Équipe)
Ayrton Senna (McLaren-Honda) devant Alain Prost (Ferrari) au départ du GP de Monaco 1990. (BOUTROUX/L'Équipe)

Ils s'appellent Ayrton Senna, Graham Hill, Michael Schumacher, Alain Prost... tous multiples vainqueurs du Grand Prix de Formule 1 dans les rues de la Principauté. Celui de cette saison devait se dérouler ce dimanche mais a été annulé à cause du coronavirus.

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Ayrton Senna : de Prince à Roi

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6 victoires (1987, 1989, 1990, 1991, 1992 et 1993)

Ayrton Senna entre Jean Alesi et Nigel Mansell sur le podium de 1991 (BOUTROUX/L'Équipe)
Ayrton Senna entre Jean Alesi et Nigel Mansell sur le podium de 1991 (BOUTROUX/L'Équipe)

Dans l'exiguë salle de presse du Grand Prix de Monaco 1993, l'émotion monte soudain d'un cran. Damon Hill, deuxième, s'adresse à son vainqueur, Ayrton Senna : « Si mon père était encore vivant, il t'aurait certainement félicité ! Tu es le roi de Monaco. » Le Brésilien venait de battre le record du nombre de victoires de Graham Hill (5), sur ce circuit si particulier. Plus tard, dans sa biographie, Damon Hill ajoutera : « Cela m'a semblé honorable de dire cela ; Ayrton a accepté avec reconnaissance et m'a serré la main. »

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Entre Senna et le tracé de Monaco, ce fut plus qu'une histoire d'amour : une passion ! Sa description au journaliste Denis Jenkinson de son tour de qualification de 1988 -1''4 plus vite que son équipier Alain Prost, à McLaren-Honda équivalente !- touche au mysticisme pour expliquer sa science du pilotage entre les rails. À lire absolument. C'est d'ailleurs en Principauté que le nom de Senna émerge au grand jour, en 1984 : pour sa première saison de F1 sur la Toleman à moteur Hart, il monte sur son premier podium en Grand Prix (2e), dans des conditions météo épouvantables qui contraignent à stopper l'épreuve au 31e tour. Il tournait alors plus vite que la McLaren-Porsche du vainqueur, Alain Prost. Mais rien ne dit que Senna aurait gagné pour autant...

Curieusement, cette fameuse année 1988 où il excelle, constitue un trou dans le palmarès monégasque du Brésilien, entre son premier succès de 1987 (Lotus-Honda) et les cinq de rang à partir de 1989 (tous sur McLaren). Alors que le pilote compte 54'' d'avance sur la seconde McLaren d'Alain Prost, à onze tours de l'arrivée, il percute le rail extérieur au virage du Portier, juste avant le tunnel. Abandon.

le seul Brésilien à s'être imposé à Monaco

Senna l'a souvent emporté à Monaco avec une grande avance mais aussi par la plus petite des marges : en 1992, 2/10es de seconde sur la Williams-Renault de Nigel Mansell, plus rapide en pneus neufs mais qu'il réussit à contenir durant trois derniers tours d'anthologie. En 1993, le Brésilien s'impose aussi avec le pouce gauche bandé, séquelle d'une violente sortie de route à Sainte-Dévote, à 270 km/h lors des essais libres du jeudi. Senna n'aura plus jamais l'occasion de piloter dans les rues de Monaco... Avant le départ de la course, en 1994, la F1 lui rend hommage par une minute de silence sur la grille de départ quinze jours après sa mort en course sur le circuit d'Imola.

Étonnamment, alors que le Brésil n'a pas manqué de champions automobiles, Senna reste le seul Brésilien à s'être imposé à Monaco.

Graham Hill : le premier au club des cinq

5 victoires (1963, 1964, 1965, 1968 et 1969)

Graham Hill à l'ancienne chicane du port (L'Équipe)
Graham Hill à l'ancienne chicane du port (L'Équipe)

Graham Hill a, semble-t-il, tout fait à Monaco ! Il y a disputé son premier Grand Prix, sur Lotus en 1958. Il y a connu sa dernière participation à un week-end de F1 (180 sur 175 départs) en 1975, lorsqu'il n'est pas parvenu à se qualifier au volant d'une Embassy-Hill de sa propre équipe (il avait 46 ans). Et entre-temps, il a obtenu, dans les rues de Monaco, plus du tiers de ses 14 victoires en Grand Prix. Des photos le montrent aussi en animateur enthousiaste de folles soirées de course à l'Hôtel de Paris !

Le champion du monde 1962 et 1968, fut le premier à battre le record précédent de Stirling Moss (3 victoires), le premier aussi à gagner trois fois de suite. Sa plus belle réussite - et sans doute la plus étonnante _ date de 1965. Il mène le Grand Prix au volant de sa BRM quand il emprunte l'échappatoire à la chicane du port pour éviter la Brabham de Bob Anderson. « C'était cela ou le plongeon dans le port », expliqua-t-il. Le pilote stoppe sa BRM, en descend pour la pousser en marche arrière et reprend la course à la 5e place, ayant perdu plus d'une demi-minute. Lors des 75 tours restants, il redoublera Stewart, Brabham et les deux Ferrari de Surtees et Bandini dans une course exceptionnelle. Hill gagnera son dernier GP de Monaco à 40 ans passés.

Michael Schumacher : prince et démon

5 victoires (1994, 1995, 1997, 1999 et 2001)

Michael Schumacher entre Gerhard Berger et Damon Hill, sur le podium de 1995 (B. Fablet/L'Équipe)
Michael Schumacher entre Gerhard Berger et Damon Hill, sur le podium de 1995 (B. Fablet/L'Équipe)

Aussi étonnant que cela puisse paraître, Michael Schumacher n'a signé que deux pole positions à Monaco durant toutes ses saisons passées chez Ferrari, de 1996 à 2006 (1996 et 2000). Après deux premières victoires aisées avec Benetton, ses succès en rouge furent toutefois sans appel, en tête de bout en bout (1997, 1999 et 2001) grâce à des départs très vifs jusqu'à Sainte Dévote, depuis la 2e place sur la grille. Mais la suite ne fut, curieusement, que déconvenues : plus aucun succès pendant toutes ses années de domination sur Ferrari... Le plus souvent à cause de qualifications manquées. Le pire survient en 2006 : Schumacher est relégué en fond de grille pour avoir volontairement ruiné le tour de qualification de son rival Fernando Alonso. Ses vieux démons refaisaient surface.

L'ultime exploit de Michael Schumacher eut aussi pour cadre le Grand Prix de Monaco : en 2012, avec l'unique pole position de sa « deuxième » carrière (chez Mercedes) dont il ne put toutefois garder le bénéfice, suite à une pénalité de cinq places sur la grille de départ pour un accrochage lors du Grand Prix précédent. Malgré ses cinq succès, Schumi n'a pas exercé, sur l'épreuve monégasque, la même emprise qu'Ayrton Senna avant lui.

Alain Prost : les années McLaren

4 victoires (1984, 1985, 1986, 1988)

Alain Prost n'a gagné qu'avec McLaren, à Monaco (BOUTROUX/L'Équipe)
Alain Prost n'a gagné qu'avec McLaren, à Monaco (BOUTROUX/L'Équipe)

Vainqueur du prestigieux Grand Prix de Monaco F3 en 1979, Alain Prost a découvert les dangers du tracé monégasque dès ses premières participations en F1. En 1980, il voit la Tyrrell de Derek Daly lui passer au-dessus de la tête, au premier freinage à Sainte Dévote. En 1982, alors que la pluie s'intensifie depuis dix tours, il perd le contrôle de sa Renault en réaccélérant à la sortie de la chicane du port et laisse échapper une première victoire.

Elle interviendra deux ans plus tard en 1984, dans des conditions météo bien plus folles qui incitent le directeur de course Jacky Ickx, à interrompre le GP prématurément (32e tour). En délicatesse avec les freins de sa McLaren, Alain Prost voyait fondre sur lui le débutant Ayrton Senna (Toleman-Hart), qui lui reprenait plusieurs secondes par tour. Si le Grand Prix n'avait pas été stoppé, Prost qui jouait le Championnat, était résolu à ne pas résister au jeune Brésilien. Son nouveau succès, en 1985, tombe donc à pic : « Cette fois, c'est sans bavure ! » souligne-t-il.


Comme pour celui de 1986, en tête de bout en bout à l'exception de la période des ravitaillements. Alain Prost n'aura donc gagné à Monaco qu'au volant d'une McLaren, sa quatrième victoire (1988) lui tombant dans les bras après la bévue d'Ayrton Senna. Une Ferrari fragile ou hors du coup ne lui permit jamais de s'imposer, en 1990 et 1991 ; la supériorité de sa Williams-Renault ne lui fut pas plus utile en 1993, pénalisé pour un départ anticipé qu'il a toujours contesté.

Nico Rosberg : triplé à domicile

3 victoires (2013, 2014, 2015)

Nico Rosberg et son père, Keke, ont tous les deux gagné le Grand Prix de Monaco, à 30 ans d'intervalle (S. Mantey/L'Équipe)
Nico Rosberg et son père, Keke, ont tous les deux gagné le Grand Prix de Monaco, à 30 ans d'intervalle (S. Mantey/L'Équipe)

Comme Stirling Moss (1956, 1960 et 1961) et Jackie Stewart (1966, 1971 et 1973) avant lui ; comme Lewis Hamilton (2008, 2016 et 2019) après lui, Nico Rosberg s'est imposé trois fois dans le Grand Prix de Monaco. Mais trois fois de suite ! 2013, 2014 et 2015. À l'inverse de plusieurs lauréats résidants à Monte-Carlo, Nico Rosberg est aussi un pur « vainqueur à domicile » puisque le pilote allemand a grandi à Monaco. Ses deux succès de 2013 et 2014 n'ont souffert d'aucune contestation : il est à chaque fois parti depuis la pole position et a mené toute la course.

En 2014 notamment, il dut subir la pression de son équipier chez Mercedes, Lewis Hamilton qui jusqu'au 60e tour, l'avait maintenu sous pression avec un retard toujours sous les deux secondes. Voire moins, le plus souvent... En 2015, son succès fut plus chanceux, Rosberg roulait une quinzaine de secondes derrière quand le stand Mercedes commit une erreur de stratégie envers Hamilton, ce qui lui offrit la victoire.

Nico Rosberg est aussi le seul fils de pilote à avoir égalé son père dans la victoire en Principauté (Keke, 1983), ce que Damon Hill et Jacques Villeneuve qui ne goûtait guère cette épreuve, n'ont pas réussi (Gilles Villeneuve a gagné en 1981).

Lewis Hamilton : le dernier de la lignée


3 victoires (2008, 2016, 2019)

Lewis Hamilton, dernier vainqueur en date du GP de Monaco (S. Mantey/L'Équipe)
Lewis Hamilton, dernier vainqueur en date du GP de Monaco (S. Mantey/L'Équipe)

Lewis Hamilton est le dernier triple vainqueur du Grand Prix de Monaco. Il est aussi l'un des rares à s'être imposé dès sa deuxième participation en F1 dans la Principauté avec Maurice Trintignant, Stirling Moss et Jackie Stewart - et bien sûr, Juan Manuel Fangio, vainqueur du premier Grand Prix en championnat du monde, en 1950.

Mais de 2008 à 2016, il s'est donc écoulé huit années, entre sa première (McLaren-Mercedes) et sa deuxième (Mercedes) victoire à Monaco où il subit plus souvent que sur une autre piste, la loi de son équipier. En revanche, le Britannique peut s'enorgueillir d'y avoir gagné dans les trois disciplines : F3, GP2 et F1. Il est le pilote en activité le moins éloigné du record d'Ayrton Senna.

publié le 24 mai 2020 à 09h00 mis à jour le 24 mai 2020 à 13h06
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