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F1 : Prost, Panis, Trintignant, les pilotes français vainqueurs à Monaco

Jean-Pierre Beltoise, vainqueur héroïque en 1972. (AFP)
Jean-Pierre Beltoise, vainqueur héroïque en 1972. (AFP)

Cinq pilotes français ont remporté au moins une fois le Grand Prix de Monaco, dont l'édition 2020, prévue dimanche, a été annulée : Maurice Trintignant, Jean-Pierre Beltoise, Patrick Depailler, Alain Prost et Olivier Panis.

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Maurice Trintignant : deux victoires (1955 et 1958)

Maurice Trintignant, l'oncle de l'acteur Jean-Louis, est un survivant. En juillet 1948, à 30 ans, il pilote est victime d'un très grave accident au GP de Suisse. Éjecté de sa voiture, le pilote vauclusien souffre d'une commotion cérébrale, de multiples côtes et dents cassées. Dans le coma, sa rate éclate, et il est même déclaré cliniquement mort (certains journaux annoncent son décès). Il se réveille après deux semaines de coma, et sa femme lui offre un ours en peluche, qui l'accompagnera lors de chacune de ses courses.

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Ce terrible accident ne l'empêche pas de rejoindre le Championnat du monde de F1 dès sa première saison, en 1950, avec l'écurie Gordini. Malgré des saisons décevantes avec l'équipe française, il est engagé par Ferrari en 1954. Et, en 1955, il devient le premier Français à remporter un GP du Championnat du monde, à Monaco. Cette édition est marquée par le fameux plongeon dans le port de la Lancia d'Alberto Ascari. Neuvième sur la grille, le Français profite de l'abandon conjugué de Stirling Moss et de l'Italien pour s'imposer.

Maurice Trintignant s'est imposé à deux reprises en Principauté. (AFP)
Maurice Trintignant s'est imposé à deux reprises en Principauté. (AFP)

Sa deuxième et dernière victoire en F1, sur un total de 81 courses, a aussi été signée à Monaco, en 1958, pour l'écurie Rob Walker Racing Team au volant d'une Cooper, et devant deux Ferrari, après avoir pris les commandes au 48e tour. Trintignant a piloté en F1 jusqu'en 1964.

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Jean-Pierre Beltoise : une victoire (1972)

C'est sur deux roues que Jean-Pierre Beltoise, surnommé « Bébel », a commencé sa carrière de pilote, en glanant notamment onze titres de champion de France au début des années 1960. Et c'est en 1967 qu'il a débarqué en F1, chez Matra. Fidèle à l'écurie française, il y reste cinq saisons, sans réussir à glaner un seul succès. Mais dès sa première année chez BRM, en 1972, celui qui disputa aussi les 24 Heures du Mans à 14 reprises, arrive à s'imposer, à Monaco. Une victoire inattendue et unique, au cours d'une saison par ailleurs décevante (ses neuf points marqués viennent de son succès en Principauté).

Beltoise a mené sa BRM à la victoire en 1972. (AFP)
Beltoise a mené sa BRM à la victoire en 1972. (AFP)

Blessé très gravement au bras gauche (il a failli être amputé) après un accident lors des 12 Heures de Reims en 1964, Beltoise a le coude bloqué. Ça ne l'a pas pour autant empêché de mener sa carrière de pilote, et le 14 mai 1972 à Monaco, ça l'a même sans doute aidé à s'imposer. Car la pluie tombe sur la Principauté, et le Français, 4e sur la grille et déjà en tête au premier virage, sur une piste mouillée, peut profiter pleinement de la très forte sensibilité qu'il a développée avec son bras droit tout au long des années. Dans de telles conditions, son pilotage plus fluide et doux que celui de ses rivaux fait des merveilles. Et il parvient à résister toute la course à Jacky Ickx, pourtant le "roi de la pluie". Beltoise, après 2h26 d'efforts intenses, devance même le Belge de 38 secondes. Un exploit retentissant, qui ne se reproduira malheureusement jamais pour le Français. Sa victoire à Monaco est la seule de sa carrière en F1.

Patrick Depailler : une victoire (1978)

Patrick Depailler fut le pilote de quasiment une seule écurie, Tyrrell, avec laquelle il a disputé 80 de ses 95 Grands Prix de F1. Et il a connu beaucoup d'émotions contradictoires avec l'équipe britannique : la joie de devenir le premier Français à signer une pole en F1, en Suède en 1974 ; les difficultés aussi, lorsque Tyrrell a perdu beaucoup de temps à développer sa monoplace à 6 roues en 1976 et 1977, qui ne s'est pas révélée aussi compétitive qu'espérée. Mais Depailler a été récompensé pour sa fidélité et sa patience, en 1978, lorsqu'il a obtenu le premier de ses deux succès en F1, en Principauté.

Patrick Depailler soulève la coupe du vainqueur en 1978. (L'Équipe )
Patrick Depailler soulève la coupe du vainqueur en 1978. (L'Équipe )

Cette année-là fut d'ailleurs une des plus réussies de sa carrière, avec cinq podiums et la 5e place finale du Championnat. Et à Monaco, le Français a mené 38 des 75 tours, après avoir chipé la première place à John Watson au 38e tour à la suite d'une erreur du Nord-Irlandais à la sortie du tunnel. Cinquième sur la grille, Depailler avait déjà réussi un excellent départ pour se glisser derrière Watson à Sainte-Dévote. Une fois en tête, le pilote Tyrrell subit la pression de Niki Lauda pendant une petite dizaine de tours, mais l'Autrichien lâche prise après une crevaison. Et Depailler, après 69 Grands Prix, s'impose enfin en F1. Une deuxième victoire suivra, l'année suivante en Espagne au volant d'une Ligier.

Alain Prost : quatre victoires (1984, 1985, 1986 et 1988)

Derrière Ayrton Senna (six succès), Graham Hill et Michael Schumacher (cinq), Alain Prost est le pilote qui s'est le plus souvent imposé à Monaco, avec quatre victoires. Toutes obtenues au volant d'une McLaren. « C'est un Grand Prix qui émaille une carrière de joies et de frustrations, racontait le Français au Figaro en 2012 pour résumer sa relation à cette course si atypique. À Monaco, on se rend compte qu'une victoire, c'est vraiment fragile. ». De ses quatre succès en Principauté, lequel est le plus marquant ? Peut-être, le premier, en 1984, obtenu dans des circonstances particulières.

Prost, sous la pluie monégasque en 1984. (L'Équipe )
Prost, sous la pluie monégasque en 1984. (L'Équipe )

En raison de la pluie, le directeur de course Jacky Ickx a interrompu le GP au 32e tour, alors que Prost menait mais que Senna, qui débutait en F1 avec Toleman, revenait fort. Sans doute le Brésilien aurait-il doublé le Français avant l'arrivée, mais, paradoxalement, la victoire de Prost, qui ne lui a offert que la moitié des points, lui a peut-être coûté le titre mondial, perdu pour un demi-point face à Lauda. S'il avait terminé le GP deuxième, Prost aurait marqué six points au lieu de 4,5.

Le style de pilotage en douceur du "Professeur" a été un des facteurs de sa réussite à Monaco, et, de son propre aveu, c'est sa victoire de 1986 qui l'a le mieux mis en valeur. « Tout se déroulait comme je le voulais, j'avais le feeling, j' étais en osmose avec la voiture, expliquait-il en 2012. J'étais en confiance totale, sur un nuage, je l'ai été du jeudi au dimanche, sans jamais avoir le moindre doute. » Et il s'est imposé, après avoir seulement lâché la première place après son arrêt aux stands, avec 25 secondes d'avance sur son coéquipier, Keke Rosberg.

Olivier Panis : une victoire (1996)

Trois pilotes seulement à l'arrivée (un record), et un Français vainqueur de l'unique Grand Prix de sa carrière : l'édition 1996 est l'une des plus mythiques de la grande et longue histoire monégasque. Quatorzième sur la grille, au volant d'une Ligier qui n'a plus gagné en F1 depuis 15 ans, rien ne prédisposait pourtant Olivier Panis à la victoire ce dimanche 19 mai 1996. Mais la pluie, la malchance ou la faillite des favoris, et la vista d'un pilote qui a réussi quelques audacieux dépassements pour aller chercher la victoire ont chamboulé le déroulement de la course.

Panis dispute alors sa troisième saison en F1, et compte deux podiums à son palmarès, déjà avec Ligier, en Allemagne en 1994 et en Australie en 1995. Une averse peu avant le départ rend la piste très humide, et rebat toutes les cartes. Michael Schumacher, en pole, part ainsi à la faute dès le premier tour avec sa Ferrari. Panis, lui, 12e à la fin du premier tour, parvient, dans le premier tiers de la course, à dépasser successivement Martin Brundle (Jordan), Mika Häkkinen (McLaren) et Johnny Herbert (Sauber) pour remonter dans le peloton. Et lorsqu'il s'arrête aux stands, au 28e tour, il est déjà 7e.

Panis, dernier Français vainqueur d'un GP. (B. Fablet /L'Équipe)
Panis, dernier Français vainqueur d'un GP. (B. Fablet /L'Équipe)

Il profite alors d'un judicieux choix stratégique de son écurie, et de son motoriste. Honda estime qu'avec une première partie de course sur piste mouillée, la Ligier n'aura pas besoin de ravitailler. Elle est donc partie avec le plein, et Panis fait un arrêt éclair, ce qui lui permet de grimper à la 4e place. Au 36e tour, il réussit à dépasser Eddie Irvine à l'épingle au prix d'une touchette avec la Ferrari. Le voilà 3e. Cinq tours plus tard, le moteur Renault de la Williams de Damon Hill, alors leader, casse, offrant ainsi la 2e place au Français. Le pilote Ligier a, malgré la tension, la présence d'esprit, après avoir glissé sur une plaque d'huile laissée par la Williams, de faire un tête-à-queue volontaire pour reprendre la piste où il l'a quittée, et ainsi éviter une pénalité.

Devant lui, il n'y a plus que Jean Alesi (Benetton), à plus de 30 secondes. Mais, là encore, le destin sourit au pilote Ligier, puisque l'Avignonnais abandonne au 61e tour, suspension pliée. Au terme du 75e tour, au lieu des 78 prévus, après 2h00'45" de course, Panis peut exulter. « Depuis que je pilote, je n'ai jamais été aussi heureux », lâche-t-il à l'arrivée.

publié le 23 mai 2020 à 09h00
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