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Élisabeth Loisel, sur le certificat d'entraîneur de football féminin : « Un groupe de femmes ne se manage pas de la même manière »

Élisabeth Loisel a contribué à la création du CEFF. (T. Bregardis/L'Équipe)
Élisabeth Loisel a contribué à la création du CEFF. (T. Bregardis/L'Équipe)

En charge de la formation d'entraîneurs à la Fédération, Élisabeth Loisel répond aux critiques autour du lancement du CEFF.

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Ancienne sélectionneuse de l'équipe de France, aujourd'hui en charge de la formation d'entraîneurs à la FFF, Élisabeth Loisel a travaillé sur la mise en place du Certificat d'entraîneur de football féminin (CEFF). En fin de semaine passée, la FFF a lancé un appel à candidatures pour la première session débutera en octobre prochain. Les critiques n'ont pas tardé à tomber, jugeant la mise en place de ce diplôme, au mieux inutile, au pire sexiste. Élisabeth Loisel nous explique les raisons pour lesquels il était essentiel de lancer ce CEFF.

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« Comment est née l'idée de ce certificat d'entraîneur de football féminin ?
C'est d'abord à la demande du président (Noël) Le Graët et de notre DTN Hubert Fournier qui se sont rendu compte que nos entraîneurs qui sont en D1 féminine - mis à part ceux qui étaient avant dans le foot pro des garçons - avaient des difficultés à accéder au BEPF (Brevet d'entraîneur professionnel de football). On a une quarantaine de candidats chaque année, très souvent des hommes et, de temps en temps, une femme, mais nous n'avons que dix places. Le président voulait qu'on augmente le niveau de compétence des entraîneurs de D1 et D2. Il voulait aussi permettre aux internationales ou anciennes internationales de se former et d'accéder dans le futur à des métiers d'entraîneurs dans le foot féminin de haut niveau.

« Il y a des différences de sensibilité, de comportements, sur le plan de l'entraînement, sur le plan athlétique »

Quel a été votre rôle dans la création de ce certificat ?
Lorsque j'ai construit le CEFF, j'ai eu la réflexion et l'envie qu'il permette à des femmes d'accéder à des postes de haut niveau. Aujourd'hui, on a très peu de femmes sur les clubs de D1 féminins (Sandrine Soubeyrand au Paris FC, Amandine Miquel, à Reims). On a quelques femmes dans nos sélections, elles non plus n'ont pas eu accès du BEPF. Elles ont peut-être besoin d'avoir davantage de connaissances et de compétences sur les particularités de l'entraînement et des compétitions du haut niveau féminin. Dans ma réflexion, je me suis dit qu'il fallait quand même qu'on arrive à créer des passerelles entre ce certificat fédéral et le BEPF. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé que les personnes qui ont le BEPF et deux ans de contrat avec une équipe de D1 ou D2 féminine aient l'équivalent du CEFF. C'est le cas aujourd'hui d'Olivier Échouafni (entraîneur du PSG). Pour Jean-Luc Vasseur (entraîneur de l'OL) il faudra attendre encore un an. C'est une première passerelle. La deuxième, c'est de dire qu'il faudra octroyer quelque chose sur le BEPF aux candidats qui vont venir sur ce certificat. J'ai vu avec mes collègues qui s'occupent du BEPF : ces candidats auront l'équivalence de l'UC1 du BEPF, c'est-à-dire le module qui concerne le projet sportif.

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Est-il nécessaire d'avoir une formation spécifique pour entraîner une équipe féminine ?
Il y a des spécificités. Sur le plan psychologique, du management. On ne manage pas un groupe de femmes comme un groupe d'hommes. L'actualité me donne raison. Quand on voit les réactions qu'il peut y avoir autour de l'équipe de France en ce moment, ça prouve bien qu'un groupe de femmes ne se manage pas de la même manière. Il y a des différences de sensibilité, de comportements, sur le plan de l'entraînement, sur le plan athlétique. Il y a aussi des particularités, des spécificités qu'on aborde très peu dans le reste de nos formations qui - il faut le reconnaître - sont encore très axées sur la population masculine. On est la première Fédération à créer ce genre de diplôme. Tout simplement car là aussi si on fait les constats légitimes on se rend compte qu'il y a très peu d'enseignements, dans nos formations, où le foot féminin est développé dans le détail.

« On s'est posé les vraies questions : l'intérêt, les besoins de ce foot féminin qui doit encore progresser »

N'était-il pas envisageable de renforcer simplement les formations actuelles en y ajoutant les spécificités du football féminin ?
Tout peut s'envisager évidemment. Sauf que, comme je vous le disais tout à l'heure, l'accès au BEPF est très restreint. On a même des garçons qui ont été adjoints en Ligue 1 et en Ligue 2 qui n'arrivent pas à rentrer. Sur 40, on doit en retenir seulement 10. Tout le monde peut accéder au DES en revanche pour rentrer sur le formateur, le BEFF, ou sur l'entraîneur pro, le BEPF, il y a des prérequis pour lesquels c'est compliqué pour un entraîneur de D1 (féminin). C'est presque impossible d'y entrer.

Êtes-vous étonnée des réactions négatives autour du lancement de ce certificat ?
J'ai une grosse méfiance des réseaux sociaux car beaucoup de personnes s'expriment sans connaître les fondements. Vous imaginez bien qu'avant de lancer ce diplôme, même si c'était à la demande du président et du DTN, on a quand même bien réfléchi à la question. On ne s'est pas lancé dans la mise en oeuvre comme ça. On s'est posé les vraies questions : l'intérêt, les besoins de ce foot féminin qui doit encore progresser. Il n'y a rien de mieux que de vivre une formation avant de la critiquer. Il y a encore trop peu de femmes dans nos formations. Souvent elles n'osent pas venir car ce n'est pas évident pour elles de trouver leur place dans des groupes de 10, 30 voire 60 garçons. Nos meilleurs vecteurs seront les premiers candidats. On n'a pas la science infuse, on va leur apporter des éléments, ils vont se questionner et nous questionner. On réfléchira tous ensemble à améliorer leur champ de compétence. »

publié le 17 février 2020 à 14h17 mis à jour le 17 février 2020 à 14h36
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