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Coupe du monde des clubs : Hienghène Sport, (Nouvelle-Calédonie), des amateurs au Qatar

Hienghène Sport lors de la finale de Ligue des champions d'Asie. (Capture YouTube OFCfootball)
Hienghène Sport lors de la finale de Ligue des champions d'Asie. (Capture YouTube OFCfootball)

Champion d'Océanie, le club calédonien de Hienghène Sport dispute le barrage de la Coupe du monde des clubs, mercredi, au Qatar, face au club local d'Al-Sadd. La récompense d'une aventure exaltante.

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C'est le club d'un village de 2 500 habitants, situé à cinq heures de route au nord de Nouméa et à 16 500 km de la France métropolitaine. Un club dont la devise est « Koi Theen ! » (« Aller jusqu'au bout ! »), comme un mantra du parcours ébouriffant de cette équipe calédonienne jusqu'au Qatar, où débute mercredi la Coupe du monde des clubs (11-21 décembre), dont Flamengo (Brésil) et Liverpool (Angleterre) sont les favoris.

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Vainqueur de la Ligue des champions d'Océanie (O-League), pour sa deuxième participation, Hienghène Sport s'est invité au grand banquet du foot international sur un strapontin. Il affrontera le club qatarien d'Al-Sadd (entraîné par l'ex-milieu international espagnol Xavi) en barrage du tournoi, mercredi soir (18h30), à Doha.

« On essaie de ne pas se comporter comme un enfant à Disneyland », explique Ritchi Bouanou, le directeur général (bénévole) du club. Et pour préparer au mieux leur rendez-vous, les Calédoniens sont arrivés les premiers à Doha, dès le 30 novembre, avant de passer dans le protocole FIFA le 6 décembre. « On souhaitait s'acclimater et faire une préparation spécifique avec un stage », précise Bouanou.

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La mémoire vive du leader indépendantiste kanak Tjibaou

Entraîné par l'ex-international tahitien Felix Tagawa (43 ans), Hienghène a décroché son titre continental le 11 mai, dans une finale inédite, à Nouméa, face à un autre club calédonien, l'AS Magenta, son grand rival de la capitale. Une victoire 1-0, sur un but de plus de soixante mètres de son attaquant Antoine Roine. Une sorte d'« À jamais les premiers » du bout du monde...

L'ombre d'un totem flottait sur l'événement : celle de Jean-Marie Tjibaou, originaire de Hienghène et figure emblématique de l'indépendantisme kanak, assassiné trente ans plus tôt*. Pour préparer sa finale à Nouméa, le futur vainqueur de la O-League avait d'ailleurs choisi de ne pas séjourner à l'hôtel, mais au centre culturel Tjibaou.

* Alors président du Front de libération nationale kanake socialiste (FLNKS), Tjibaou a été assassiné le 4 mai 1989, à 53 ans, par un opposant indépendantiste en compagnie de son bras droit, Yeiwéné Yeiwéné, sur l'île d'Ouvéa. Les deux leaders du FLNKS participaient à une cérémonie de levée de deuil pour les dix-neuf militants tués un an plus tôt lors de l'assaut de la grotte de Gossanah. Deux militaires avaient également été tués lors de cette opération.

« C'est notre père spirituel, poursuit Bouanou. On perpétue sa mémoire en véhiculant les valeurs qu'il nous a apportées. Il comptait sur les leviers du sport et de la culture ». En insistant sur l'humilité, aussi : avant la rencontre, le club avait rendu visite à des jeunes handicapés.

« On a un niveau semi-pro, avec un style de jeu qui mêle l'engagement océanien, à l'anglo-saxonne, et la formation métropolitaine »

Ritchi Bouanou, directeur général de Hienghène Sport

En temps normal, Hienghène évolue à des années-lumière des standards contemporains du foot business, même si le club bénéficie notamment du soutien du secteur minier, avec l'entreprise KNS (Koniambo Nickel SAS). Le club, relancé il y a vingt ans, après sa création au début des années 1970, progresse sur des chemins de traverse. Ritchi Bouanou, le DG et responsable administratif, est également musicien et chanteur, connu sous le pseudonyme Hyarison. Le capitaine charismatique de l'équipe, Bertrand Kaï (36 ans), travaille comme gestionnaire de l'internat provincial, à Hienghène.

Et plusieurs joueurs vivent en tribu, autosuffisants, dans un cadre social ancestral et une végétation luxuriante, au bord de l'océan, sur la côte est de la Nouvelle-Calédonie. « C'est un cadre très paisible, poursuit Bouanou. Quand on est à Hienghène (qui compte 22 tribus), on va à la chasse et à la pêche, il y a du surf... C'est aussi cette vie et cette culture qu'on veut montrer aux yeux du monde. »

Éliminé au 7e tour de la Coupe de France

Avant d'aller au Qatar, Hienghène Sport s'était aussi rendu en métropole, le mois dernier, pour y disputer le septième tour de la Coupe de France. Le club de la province nord du « Caillou » s'était fait sortir (1-3, le 16 novembre) par l'ASP Vauban-Strasbourg (National 3). « On avait l'impression de jouer contre des juniors, c'était tout à l'arrache, tout au physique, relate Philippe Weiss, le président délégué du petit club alsacien. On a eu quinze Karembeu en face de nous ! Ils fonçaient mais se sont fait transpercer deux fois en fin de match (le score était de 1-1 jusqu'à la 83e minute). »

« On a un niveau semi-pro, avec un style de jeu qui mêle l'engagement océanien, à l'anglo-saxonne, et la formation métropolitaine », juge Bouanou, dont l'équipe va pouvoir s'appuyer, au Qatar, sur des recrues étrangères, comme le milieu portugais Pedro Luis Sousa, le latéral brésilien Marcos Paulo Junior ou le milieu offensif japonais Kohei Matsumoto. « Là, on est le premier club français, devant le PSG, plaisante Bouanou. Mais on n'est pas venus pour faire juste de la figuration, c'est un rendez-vous historique pour nous. »

publié le 11 décembre 2019 à 09h24
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