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Avant la finale des Mondiaux de League of Legends, immersion chez O'Gaming, média dédié à l'esport

Noi et Chips, figures de «League of Legends» en France. (E. Garnier/L'Equipe)
Noi et Chips, figures de «League of Legends» en France. (E. Garnier/L'Equipe)

Chips et Noi, figures emblématiques de « League of Legends » en France, seront les commentateurs vedettes de la finale. Avant le jour J, immersion chez O'Gaming, principal média dédié à l'esport en France.

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Une bouteille d'eau dans une main, une fiche de statistiques à l'écran, Noi réajuste sa veste de costard et chauffe sa voix pendant le débrief d'avant-match. Dans quelques minutes, il évoquera des « rotations en défense » ou des « mauvais placements », comme n'importe quel commentateur sportif. Mais il parlera aussi (et surtout) de « portail interdimensionnel » ou de la nécessité de « retrouver son flash »... Bienvenue dans l'univers de League of Legends, jeu vidéo de stratégie dans lequel il faut détruire la base adverse pour l'emporter.

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Plus de 90 000 personnes ont ainsi suivi en direct le 27 octobre dernier, sur la chaîne O'Gaming de la plateforme Twitch, la victoire (3-1) des Sud-Coréens de SKT, triples champions du monde, sur les Européens de Splyce, petits poucets des quarts de finale des Mondiaux (jusqu'à 1,1 million d'internautes sur l'ensemble des chaînes sur Twitch, canal de diffusion en direct).

Au micro, Fabien « Chips » Culié et Charles « Noi » Lapassat. Ces trentenaires se sont rencontrés en double licence de droit/gestion il y a plus de dix ans et forment un duo emblématique de l'e-sport français. « On est un peu des dinosaures du milieu », s'amuse Noi. Leurs débuts ? Comme beaucoup de stars du Net : dans leur chambre, en tournant des vidéos YouTube entre copains. « À 15 dans 12 m² , chauffée à 40 °C avec bières et clopes, on demandait aux joueurs de nous envoyer leurs parties pour les commenter », se souvient Noi.

Depuis, l'esport a pris une autre dimension. Eux aussi. « Aujourd'hui, ça n'a rien à voir avec ce qu'on commentait à l'époque, explique Kevin "Tweekz" Remy, un autre commentateur. La manière de jouer, les stratégies... Le jeu évolue tout le temps, il y a deux mises à jour environ par mois. »

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Créé en 2010, O'Gaming est le principal média français dédié à l'e-sport. La webtélé et boîte de production, auteure d'une levée de fonds de 2,5 millions d'euros en 2017, combine émissions, matches commentés et production de contenus, sur douze jeux. Au dernier étage d'un centre commercial d'Ivry-sur-Seine, près de Paris, les locaux de 1 200 m² cumulent tous les clichés d'une start-up : des trentenaires, les plus âgés, accrochés à leurs portables, des poubelles débordant des commandes de burgers ou des parties du jeu Smash Bros improvisées pendant une pause. Une figurine de R2D2 et une peluche Sonic côtoient un vieux synthé et des jeux d'arcade sur les étagères.

«En moyenne, on doit commenter vingt-cinq heures de matches par semaine» - Noi, commentateur

Dans les couloirs, aucun stress, cinq minutes avant le début du match. Noi lance : « Qui veut commenter avec moi ? » Thomas « Zaboutine » Si-Hassen, entraîneur de l'équipe Immortals, lève la main. Ils seront quatre à se relayer aux commentaires toute la journée et tourneront à chaque manche (un match se joue en trois manches gagnantes). Les autres suivent le direct, confortablement installés dans les canapés de l'open space. Ambiance dimanche à la maison entre potes.

Le système est rodé. Pas besoin de notes, ils connaissent leur sujet sur le bout des doigts. « En moyenne, on doit commenter vingt-cinq heures de matches par semaine, parfois beaucoup plus », assure Noi. Niveau débit de mots à la minute, envolée lyrique ou réactivité, il n'a rien à envier à Grégoire Margotton, son homologue footeux sur TF1.

Pour assurer neuf heures d'antenne, ils sont seulement dix. « Des gens de la télé sont venus voir comment on travaillait. Quand ils ont vu seulement deux gars en régie, ils ont halluciné », sourit Noi. Sur le plateau pour les débriefs : trois tabourets et six télés pour le décor, contrôlées par la régie. Le même fonctionnement mais pas les moyens colossaux d'une chaîne de télé. « Ce n'est pas conventionnel, mais on est habitués à faire plein de choses en même temps », explique Jean-Philippe « Karnage » Coto, directeur des productions League of Legends de O'Gaming.

Ici, chacun reste en contact quasi permanent avec les fans sur les réseaux. « Parfois, j'ambiance un peu le chat en faisant des blagues », s'amuse « Karnage », en jogging et chaussettes. Derrière lui, Camille « Yume » Laisné, directrice de la communication, enchaîne les tweets. « On a une communauté forte, on essaie de répondre au maximum », dit-elle.

Si les audiences ne sont pas comparables à celles de la télé, le public sur la Toile est très actif et peut passer des heures devant l'écran à suivre des matches. Peu (voire pas) habitués à regarder la télé, ils trouvent Internet plus authentique, moins chronométré. « Quand j'ai commencé l'émission sur beIN Sports, au début, les gens qui me suivaient ont mal réagi, explique la présentatrice Laure "Bulii" Valée. Ils disaient que ça faisait trop télé pour eux. »

« C'est sûr que tu vas pas t'inspirer du JT de TF1 pour innover », rigole Rock, le réalisateur. Mais comme modèles, ils citent pourtant Jacques Monclar pour Tweekz, Thierry Gilardi et Grégoire Margotton pour Chips, ou Darren Tulett pour Laure. Le même job, chacun dans leur domaine.

Commenter la prestigieuse finale des Mondiaux, à Bercy, sera l'apothéose de leur carrière. O'Gaming pourrait y dépasser les 100 000 vues sur Twitch et battre son record d'audience. « C'est un peu le dernier truc qu'on n'a pas fait », explique Noi, qui assure ne pas ressentir de pression. « On est vraiment impatients d'y être », complète Chips. Pour vivre leur finale de Coupe du monde.

publié le 8 novembre 2019 à 00h20 mis à jour le 8 novembre 2019 à 10h29
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