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Esport - Dota 2 : « Je pense qu'on est la meilleure équipe Dota de tous les temps »

Sébastien « Ceb » Debs salue la foule après la victoire d'OG à The International. (Valve)
Sébastien « Ceb » Debs salue la foule après la victoire d'OG à The International. (Valve)

Un mois après avoir créé un nouvel exploit en devenant avec son équipe, OG, le premier à remporter The International - les Mondiaux de Dota 2 - à deux reprises, le Français Sébastien « Ceb » Debs revient sur cette performance.

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Il y a tout juste un mois, dans une salle comble de 20 000 spectateurs à Shanghai, OG devenait la première équipe à remporter The International - l'équivalent des Mondiaux sur Dota 2 - pour la deuxième fois consécutive. Pour la deuxième fois tout court. Une performance inouïe, rendue possible grâce à un succès construit d'une façon beaucoup plus sereine que le précédent. Cette fois, OG a dominé la compétition de A à Z - la finale contre Team Liquid (3-1) a duré moins de deux heures -, un an après avoir déjoué tous les pronostics et surmonté une préparation tragique.

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Seul joueur français présent sur la scène professionnelle du jeu développé par Valve - avec Titouan « Sockshka » Merloz, coach d'OG - Sébastien « Ceb » Debs fait partie du quintet ayant réalisé cette incroyable performance, le catapultant définitivement au rang d'esportif tricolore le plus accompli. Douze mois après son premier succès, on le retrouve au même café parisien, à la même table que l'an dernier, pour débriefer cet exploit. Encore un.

OG, juste après avoir validé son deuxième titre mondial. (Valve)
OG, juste après avoir validé son deuxième titre mondial. (Valve)
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« Dans vos premières réactions après cette victoire, on vous a senti bien plus serein que l'an dernier...
Il y a un an je n'étais pas bien, un peu perdu. Il y avait de la confusion. Cette année c'est clair. Je ne vais pas dire que j'ai pris l'habitude (rires)...Mais c'est sans doute parce que les deux victoires sont très différentes. L'an dernier c'était envers et contre tout, on a traversé les enfers. Cette année c'était... Je ne vais pas dire une leçon, ça serait exagéré, mais presque. On était au-dessus du tournoi.

Comment expliquez-vous avoir autant dominé The International après une saison moyenne ?
On s'est rendu compte qu'on n'était pas capables de donner le meilleur de nous-mêmes toute l'année. On allait s'épuiser. Anatham « ana » Pham, Topias « Topson » Taavitsainen et moi, nous sommes des joueurs d'enjeu. Moins bons quand il n'y en a pas, quand Johan « N0tail » Sundstein et Jesse « JerAx » Vainikka sont tout le temps au niveau. Plus ces enjeux grossissent, plus on répond présent. The International c'est le truc le plus important, même quand tu en as remporté un. On parle beaucoup de l'argent, mais en gagner un deuxième c'était encore plus important pour nous. C'est plus gros en termes de prestige. C'est l'objectif ultime. Et on l'a fait. On a fini le jeu.

L'an dernier vous disiez avoir tout donné, autant mentalement que tactiquement, techniquement... Vous avez eu un peu plus de libertés cette fois-ci ?
J'ai toujours eu un rôle de locomotive chez OG (avant d'être joueur, Ceb a été coach de l'équipe pendant deux ans). Mais cette fois j'étais plus serein, j'ai pu être plus égoïste, me concentrer sur ma préparation. On s'est vraiment mieux senti que sur les autres tournois. On était bien. C'est dur à expliquer mais quand ils fermaient la porte derrière nous, on se sentait vraiment à la maison... On était presque déçus parce que ça passait vite. On se disait : « C'est bientôt fini, il ne reste que deux matches... » JerAx, ça le frustrait, il était presque content quand ça partait sur une manche décisive. C'était plus que du plaisir, on se sentait en sécurité. C'était notre terrain de jeu.

Sur le plan mental, vous avez été épaulé par Mia Stellberg (psychologue du sport, ex-Astralis, ENCE, sur CS : GO). Elle vous a apporté quelque chose en plus ?
Il y a des équipes où elle aurait dû être une locomotive et ce n'était pas du tout le cas chez OG. Mais elle a beaucoup d'expérience et l'a vite compris. On est une équipe très aboutie en termes de préparation psychologique. Elle était plus là pour faire de la veille pendant le tournoi et j'ai apprécié travailler avec elle, elle a enlevé beaucoup de pression à N0tail et moi. Parce qu'on s'en occupe généralement, on contrôle si tout le monde est bien focalisé sur l'objectif. Là on a pu se concentrer sur nous-mêmes.

Vous avez vécu un scénario très similaire à celui de l'an dernier, notamment lors de la phase finale...
C'était grotesque. Une grosse partie de la préparation mentale de l'équipe tournait autour du fait de ne pas comparer TI8 et TI9. Surtout pas. Parce que ce n'est pas bon, ça pouvait nous déconcentrer alors que ça allait forcément être différent. J'ai insisté sur le fait qu'il fallait repartir de zéro, que c'était un nouveau challenge. Et je déteste le terme, en anglais, de « defending champions », je ne sais pas s'il y a un équivalent en français...

« Champions en titre » ?
Oui mais... La différence c'est cette notion de défendre que je déteste. J'ai insisté là-dessus : on ne défend rien du tout, on sera toujours les champions du TI8, il nous appartiendra à vie. Donc on ne compare pas. Mais en play-offs, on joue d'abord Newbee, avec quatre joueurs de VGJ.Storm qu'on avait affrontés au même stade l'année dernière. Au tour suivant, Evil Geniuses, comme l'an dernier. Puis PSG.LGD, comme l'an dernier ! Le même tableau, les mêmes équipes ! J'insistais pour qu'on ne compare pas et finalement on n'a pas pu s'en empêcher, moi le premier.

L'an dernier vous disiez : « Gagner The International c'est un exploit dans tous les cas ». Comment doit-on appeler cette performance ?
Je n'ose pas vraiment le dire mais... Je pense qu'on est la meilleure équipe Dota de tous les temps. C'est un peu surréaliste, mais la finale était tellement à sens unique... Les joueurs de Team Liquid, on les admire, on les respecte. Mais là c'était... simple. Alors on finit par se dire qu'on est peut-être meilleurs que ce qu'on se dit. On a d'ailleurs senti que quelque chose avait changé vis-à-vis des autres joueurs quand ils sont venus nous féliciter. J'ai senti du respect mais aussi une capitulation de toutes les équipes. Même nos principales rivales. J'ai le sentiment que ce n'est plus possible pour quelqu'un de dire : « Non mais OG, c'est de la chance ». Personne n'ose plus (rires). Je pense que personne ne réitérera cette performance.

Sébastien « Ceb » Debs, à Paris, début septembre. (Timo Verdeil)
Sébastien « Ceb » Debs, à Paris, début septembre. (Timo Verdeil)

Vous vous rappelez des moments juste après la victoire cette fois ?
Bien mieux que l'année dernière, parce que ça avait été un vrai black-out ! Je n'étais plus là. Cette année, je me souviens avoir ri en me disant que ce n'était pas possible. De m'être dit de profiter cette fois. J'ai regardé autour de moi, la foule, ce qui m'entourait. C'était démentiel. Je me suis forcé à profiter de l'instant. Mais j'ai pensé... Même maintenant (il hésite)... Je me suis toujours dit que la scène Dota 2 était ultra-compétitive. Et c'est le cas. Mais le fait d'avoir gagné TI deux fois de suite, cela signifie qu'elle ne l'est pas tant que ça ? Je ne sais pas, c'est un sentiment un peu étrange. Je n'aurais jamais osé penser ça l'an dernier après la victoire.

À vous écouter on a le sentiment que ça sera moins dur de retrouver de la motivation que l'an dernier...
Parce que l'objectif n'est plus dans le fait de gagner, il est dans le fait de jouer ensemble, pour gagner oui mais jouer, surtout. Il nous faut de la compétitivité mais on a créé une telle synergie d'équipe que le Dota le plus intéressant que je joue ce n'est plus qu'avec mes coéquipiers. On a construit quelque chose de très précieux, qu'on veut protéger. On va se donner du temps pour cela. Le temps qu'il faudra.

15 620 181
C'est, en dollars, la somme remportée par OG grâce à sa victoire lors de cette dernière édition de The International. La dotation globale du tournoi s'élevait à 34 330 068$.

Mais vous ne ressentez aucune lassitude après ces deux succès consécutifs ?
Non, parce que le jeu est tellement complexe qu'il nous permet de nous dépasser tout le temps. Pendant TI on n'a pas eu le temps de tester plein de trucs parce que tout est passé. Mais on en avait encore beaucoup sous le pied. Il y a plus de lassitude par rapport au rythme : les voyages, les tournois... C'est dur à vivre. À force je m'y suis habitué mais les premières années, tu craques, tu fais un premier burn-out et tu as besoin de quelques mois. C'est vraiment dommage qu'on n'ait pas de saison off, comme dans le sport. Le premier Major du calendrier (en novembre en Chine, mais les qualifications démarrent début octobre), la plupart des grosses équipes vont l'esquiver...

Dernière chose : on vous verra aussi « inspiré » dans le prochain True Sight (documentaire immersif sur la finale de The International produit par Valve chaque année) que dans le dernier (on l'entendait insulter les adversaires dans le feu de l'action) ?
(sourire) Il sera épicé parce qu'on dit des choses qu'on ne doit pas forcément dire... Mais c'est la vie d'équipe. Tu as forcément une manière de te booster quand tu marches sur ton adversaire pendant trois manches... Tu ne vas pas lâcher naturellement : « Oh mon adversaire se défend très bien ! J'espère vraiment m'en sortir avec les honneurs ! » Ça ne se passe pas comme ça. Mais il n'y aura pas d'insultes ! Ça sera tout public cette fois. »

publié le 24 septembre 2019 à 18h05
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