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Revivez l'exploit monumental de Philippe Gilbert en 2017, votre plus beau Tour des Flandres

Du jamais vu dans l'histoire de l'épreuve : le vainqueur, Philippe Gilbert, franchit à pied la ligne d'arrivée, portant son vélo en triomphe. (Frédéric Mons/L'Équipe)
Du jamais vu dans l'histoire de l'épreuve : le vainqueur, Philippe Gilbert, franchit à pied la ligne d'arrivée, portant son vélo en triomphe. (Frédéric Mons/L'Équipe)

Après une consultation sur notre site Internet, vous la victoire du Belge Philippe Gilbert en 2017 comme plus belle performance de l'histoire du Tour des Flandres. Retrouvez ci-dessous le compte-rendu d'époque de notre envoyé spécial, Philippe Brunel.

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Il était un peu plus de 17 heures dimanche, au clocher d'Audenarde, quand Philippe Gilbert, échappé depuis le Vieux Quaremont, déboucha seul, d'une pédalée tranquille, sous les ovations du public au bout de la Minderbroedersstraat enluminée par des bannières jaune et noire, frappées du lion des Flandres. Alors, le reporter de la RTBF, d'expression francophone, Rodrigo Beenkens, à bout de formules laudatives, libéra sa pensée sans plus de retenue. « Je ne sais si on peut parler de résurrection mais, de toute évidence, Gilbert réalise ici, devant nos yeux, le plus grand exploit de sa carrière ! »

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Comme bon nombre d'observateurs, notre confrère exprimait sa stupéfaction face au retour en grâce du champion de Belgique, qui venait de franchir la ligne à pied - ce qui ne s'était jamais vu en ces lieux ! - son vélo à bout de bras, dans un geste d'exaltation, une forme d'exhibition iconoclaste qui disait sa fierté. Et son immense bonheur. Le Belge exultait, et pour cause : il avait mené à bien, à trente-quatre ans, une échappée solitaire de cinquante-cinq kilomètres, initiée sur les pavés de l'affreux Quaremont, une performance athlétique qu'Eddy Merckx (lui-même auteur en 1969 d'une échappée fantastique de 70 kilomètres) en son temps, n'aurait pas désavouée et dont nous ne l'estimions plus capable, admettons-le.

« Avec Tom (Boonen, son coéquipier), on s'est dit, allez, on roule à bloc ! »

Philippe Gilbert, coureur de Quick Step, au sujet de son attaque initiale dans le Grammont

La course s'était emballée très tôt dès le mur de Grammont, à l'initiative de Tom Boonen, son ami et capitaine de route, après que ce dernier se fut aperçu que Peter Sagan et Greg Van Avermaet lambinaient au milieu du peloton. « Il m'a dit : "Suis-moi, je vais t'amener devant." Stybar et Terpstra étaient là, pour contrôler. Au sommet, le trou était fait, avec Tom, on s'est dit, allez, on roule à bloc ! », exultait Gilbert que l'on avait quelque peu oublié, abandonné chez BMC depuis quatre ans, à ce léger désenchantement qu'il ne cherchait pas à masquer. On en arrivait à se demander s'il ne s'était pas embourgeoisé ou lassé...

D'ailleurs, n'avait-il pas tout gagné ? Tout ce qui était à sa portée ? Une litanie de classiques, de lauriers, un titre mondial à Valkenburg... Et l'estime ad vitam aeternam de ses compatriotes. Et puis, cet hiver, il avait quitté BMC pour Quick Step où il comptait secrètement se relancer. Se réhabiliter à son propre regard. Et ces derniers temps, il était « à nouveau heureux d'être là », disait-il d'ailleurs.

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Il a salué Mathieu, le fils de Criquielion, au sommet du Taaienberg

Et c'est un champion réinstallé dans sa propre trajectoire qui s'est extirpé, hier, d'un lent crépuscule. Là-bas sur le Vieux Quaremont. Pour gagner le Ronde, trente ans après l'autre Wallon, Claude Criquielion, décédé en 2015, dont il avait salué le fils Mathieu, au sommet du Taaienberg. Ironie du sort, ces quatre dernières années, il avait fait l'impasse sur le Ronde dans les revers d'une cohabitation compliquée chez BMC avec Greg Van Avermaet, qui tenait à ses prérogatives et réclamait d'être seul leader dans les classiques flamandes. Et c'est lui, Philippe Gilbert, qui figurera désormais au palmarès de ce monument du cyclisme, qui manquait cruellement à son tableau de chasse. « Il ne me reste plus qu'à gagner Milan-San Remo et Paris-Roubaix, mais sait-on jamais, ma carrière n'est pas finie ! », lâcha-t-il au micro de la VRT.

Alors, il se mit à raconter son épopée, cet acte inattendu, insensé, sur le Vieux Quaremont ou il avait distancé, comme par jeu, dans les imbrications d'une course hautement stratégique, ses treize compagnons d'échappée - dont Boonen, Rowe, Démare, Stuyven, Vanmarcke, Kristoff, Chavanel, Moscon, Coquard - lesquels l'avaient laissé partir, sans réagir. Intimidés par sa témérité.

Et Sagan emporta avec lui dans sa chute Van Avermaet et Naesen

Plus tard, un saut de chaîne avait retardé Boonen au pied du Taaienberg mais sans incidence sur le déroulement de la course. Puis le destin s'en était mêlé sur le Paterberg où ses premiers poursuivants, Peter Sagan, Greg Van Avermaet et Oliver Naesen chutèrent lourdement alors qu'ils le talonnaient à moins d'une minute. Van Avermaet s'était vite relancé mais Sagan et Naesen, démobilisés, avaient repris la route sans conviction, dans l'unique perspective de Paris-Roubaix où il y aura de la revanche dans l'air.

Peter Sagan, Oliver Naesen et Greg Van Avermaet, au moment de leur chute dans le Vieux Quaremont. (./L'Équipe)
Peter Sagan, Oliver Naesen et Greg Van Avermaet, au moment de leur chute dans le Vieux Quaremont. (./L'Équipe)

Que s'était-il passé ? À peine avait-il franchi la ligne, Sagan demanda à revoir la scène sur vidéo. « Je ne sais pas ce qui s'est produit, tout est allé très vite, oui, j'aimerais voir si c'est ma faute ou pas... », avait expliqué le Slovaque dont le maillot irisé présentait des traces de salissure sur l'épaule droite. « C'est sûr, cette chute a tout changé... déterminé la fin, je crois qu'à cet instant on avait encore la possibilité de revenir », regrettait de son côté Van Avermaet, visage en sueur, cuissard déchiré au niveau de la hanche, finalement deuxième à Audenarde. Sagan a tout simplement ripé sur le pied d'une barrière, ce que l'on peut regretter car cette chute a privé le Tour des Flandres d'un plus beau dénouement même si - et ce n'est qu'une impression - Philippe Gilbert nous semblait, dimanche, hors de portée.

publié le 5 avril 2020 à 10h00
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