« Quel rôle l'AFCC aspire-t-elle à jouer dans le cyclisme féminin ?
On veut jouer le même rôle que l'UNCP (l'Union nationale des cyclistes professionnels) au sein du peloton masculin. Chez les femmes, il n'y avait pas d'association, il n'y avait rien en place pour les coureures professionnelles. On travaille notamment sur un projet d'écoute psychologique. Malheureusement, on a vu récemment des histoires pas très sympas dans le peloton féminin et dans certaines équipes (*). On veut éviter ça donc l'écoute, c'est très important. On veut aussi proposer aux filles, je l'espère dans un futur très proche, des axes d'après-carrière pour leur reconversion. C'est super important et cela n'existe pas aujourd'hui dans le monde féminin.
L'idée derrière cette association est aussi de mieux structurer le cyclisme féminin ?
Tout à fait. C'est donner la chance aux filles d'avoir un syndicat, tout simplement, pour défendre leurs droits. Aujourd'hui, malheureusement, il n'y a qu'une équipe WorldTour française (FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope) mais dans les années qui viennent, d'autres équipes vont certainement voir le jour. Il faut donner la possibilité à ces filles de discuter avec des gens qui seront plus objectifs. C'est souvent plus facile de discuter avec des gens qui ne sont pas au sein des équipes pour trouver des solutions à divers problèmes, qu'il s'agisse de contrats ou d'autres choses. Le but est qu'elles aient une écoute. À plus ou moins court terme, l'idée est aussi de rejoindre la Ligue des hommes, la Ligue nationale de cyclisme. C'est difficile parce que ça n'a jamais existé, il faut mettre pas mal de choses en place, mais c'est un axe sur lequel on travaille énormément. Faire partie de cette Ligue, c'est à long terme pouvoir bénéficier d'un vrai statut de professionnelle en France, qui n'existe pas aujourd'hui.
C'était important pour vous de vous impliquer en étant vice-présidente ?
Oui, en fait j'avais un peu pris la parole pour tout le monde lors des Championnats de France de Mantes-la-Jolie (2018) en disant : "C'est bien joli de nous parler de monde professionnel, de cyclisme masculin, mais est-ce que vous connaissez l'état actuel du vélo féminin ?" Là, Pascal Chanteur (président de l'UNCP) n'avait pas été capable de me répondre, ce qui était compréhensible puisqu'il ne connaît pas le monde des filles. On s'est donné rendez-vous à Paris quelques mois plus tard et comme j'avais un peu lancé le truc, je n'allais pas lui poser un lapin [rires]. Il fallait que je sois présente et que je m'implique. C'est aussi dans ma mentalité de vouloir faire avancer les choses. La génération qui arrive chez les filles a besoin d'être plus reconnue.
« Ce ne sont que les prémices de ce qui va se passer dans les années qui arrivent. Pour moi, le cyclisme féminin va être "bankable" »
Quel état des lieux du cyclisme féminin peut-on dresser aujourd'hui ?
Ça avance à vitesse grand V dans beaucoup de pays. L'UCI a mis en place beaucoup de choses qui font qu'aujourd'hui, il faut se mettre au diapason. Ce ne sont que les prémices de ce qui va se passer dans les années qui arrivent. Pour moi, le cyclisme féminin va être "bankable", on aura les moyens de nos ambitions et il faudra assumer aussi en tant qu'équipes, syndicat et coureures. C'est important, déjà, d'y penser et de mettre des choses en place.
Quel regard portez-vous sur la première année de l'AFCC ?
Ça a été une drôle d'année. On a fait face à diverses affaires de dopage, de harcèlement sexuel, le coronavirus... On est directement entré dans le vif du sujet et on a fait du mieux qu'on a pu. On a notamment travaillé pour se faire connaître auprès des filles, des différentes divisions nationales, des organisateurs, de la Fédération... Les deux présidentes (Elisabeth Chevanne-Brachet et Marion Clignet) sont au taquet, elles s'investissent énormément. Plein de choses se mettent en place, on n'est qu'au début et pourtant, on sent qu'on a déjà des responsabilités, que les filles nous font déjà confiance. C'est hyper motivant pour la suite. Il y a plein de bonnes nouvelles et de beaux projets en cours (lire ci-dessous), on donnera le maximum pour que ça fonctionne et que le cyclisme féminin prenne enfin l'essor qu'il mérite.
Quels sont vos principaux axes de travail aujourd'hui ?
On fait les choses dans l'ordre dans le but de construire ce statut professionnel féminin qui n'existe pas encore. C'est la raison pour laquelle on a monté l'association. Nos deux présidentes font partie du CPA féminin, le syndicat international. On a aussi la chance que Marion Clignet fasse partie de la Commission féminine au sein de l'UCI, où sont discutées toutes les problématiques qu'on rencontre dans le vélo féminin. Ensuite, on veut développer des axes d'aide aux athlètes. Des filles ont déjà tapé à la porte au sujet de leur contrat ou de problèmes qu'elles ont rencontrés, surtout à l'étranger. On voudrait travailler avec différentes ressources - diététiciens, avocats, managers, agents, etc. - pour pouvoir proposer aux filles un panel de ressources humaines permettant de répondre à leurs différentes questions. Et puis les aider à avancer dans leur carrière, tout simplement. »