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Le mythique combat Ali-Foreman s'expose à Aubervilliers

La salle de boxe Boxing Beats, à Aubervilliers, s'est transformée en salle d'exposition pour rendre hommage à l'histoire combat Ali-Foreman de 1974. (D.R.)
La salle de boxe Boxing Beats, à Aubervilliers, s'est transformée en salle d'exposition pour rendre hommage à l'histoire combat Ali-Foreman de 1974. (D.R.)

Quarante-cinq ans après le fameux « Rumble in the jungle », une exposition à Aubervilliers rend hommage au combat historique qui opposa le 30 octobre 1974 Muhammad Ali à George Foreman à Kinshasa.

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George Foreman a tourné le dos à la boxe avant le tournant du millénaire et Muhammad Ali est mort il y a maintenant trois ans, mais quarante-cinq ans après leur combat légendaire du 30 avril 1974, à Kinshasa, « The Rumble in the jungle », les deux combattants se font toujours face autour d'un ring, par peintures interposées. Un club de boxe d'Aubervilliers, le Boxing Beats, accueille jusqu'à fin novembre une exposition consacrée au « Combat dans la jungle ».

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Un sommet de l'histoire du noble art, marqué autant par la dramatique sportive de la rencontre, que par la démesure de son environnement : la promotion du panafricanisme, sponsorisée par le dictateur du Zaïre, Mobutu Sese Seko, le show permanent d'Ali, le barnum artistique monté par l'organisateur de la rencontre, Don King, avec un concert réunissant plusieurs stars de l'époque (James Brown, B.B. King, Miriam Makeba...), etc.

Intitulée « Combat du siècle », cette toile est l'oeuvre de l'artiste-peintre congolais Chéri Chérin. (D.R.)
Intitulée « Combat du siècle », cette toile est l'oeuvre de l'artiste-peintre congolais Chéri Chérin. (D.R.)


Cette exposition inhabituelle a été imaginée par un ancien publicitaire, Bruno Scaramuzzino, désireux d'exposer l'art africain au-delà des « ghettos dorés » de la FIAC (Foire internationale d'art contemporain) ou des galeries d'art huppées parisiennes : « Je cherche toujours des histoires à raconter dans mes expositions qui permettent de rapprocher l'art du plus grand monde. »

L'histoire de ce duel entre une star vieillissante, Ali, 32 ans alors, et un jeune champion du monde réputé imbattable, Foreman, 25 ans, a laissé des traces aussi bien dans le cinéma et la littérature (le film Ali, de Michael Mann, le livre J'irai danser sur la tombe de Senghor, de Blaise Ndala, aux éditions Interligne...) que dans la musique populaire congolaise.

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Mais pour réunir la centaine d'oeuvres présentées dans la petite salle de la banlieue nord de Paris (photographies, sculptures, peintures...), il a fallu envoyer des émissaires jusqu'en République démocratique du Congo (l'ancien Zaïre) afin de chercher les rares vestiges de l'événement : « On a retrouvé un vieux monsieur, Francis Matton, photographe officiel du combat et du président Mobutu, qui possède des images d'archives inédites des coulisses du combat, de Muhammad Ali avec la population zaïroise, de son tête à tête avec James Brown », raconte Scaramuzzino.

« J'ai la seule photo où on voit Muhammad Ali à terre. Ce n'est pas Foreman qui l'a mis au sol, il a été bousculé après le combat

Le photographe Francis Matton

« C'était extraordinaire, tout le stade qui criait ''Ali bomaye !'', ''Ali tue le !'' en lingala », se rappelle Matton, qui a suivi le combat au bord du ring, dans le grand stade de Kinshasa, où avaient pris place 60 000 spectateurs. « Regardez, il n'a pas une figure de boxeur, dit-il en montrant l'une de ses photos d'Ali. Il n'a pas été touché réellement ce jour-là, parce qu'il avait des réflexes extraordinaires. Foreman lui a tapé dans les reins, dans les côtes mais sans le toucher au visage. Chaque fois Ali reculait dans les cordes et ensuite il revenait, c'était assez extraordinaire. À la longue, Foreman s'est épuisé. »

Ancien réalisateur de la télévision congolaise, Matton voulait d'abord filmer la rencontre, mais il a finalement dû se contenter d'utiliser un appareil photo : « Quand je me suis amené avec ma caméra, tous les Américains m'ont sauté dessus, en me disant : ''no ! no ! no !'' Ils avaient l'exclusivité la plus absolue pour diffuser le combat. D'ailleurs, il s'est déroulé à quatre heures du matin pour être en prime time aux États-Unis », raconte Matton, dont les clichés n'avaient jamais quitté ses archives personnelles. « J'ai la seule photo où on voit Muhammad Ali à terre. C'est un scoop en quelque sorte, s'amuse-t-il. Ce n'est pas Foreman qui l'a mis au sol, il a été bousculé par les gens quand ils sont montés sur le ring après le combat. »

Depuis l'installation de The Rumble in the jungle, fin octobre, des boxeurs s'entraînent donc chaque jour au milieu d'oeuvres d'artistes contemporains, dont une partie a été fournie par la Fondation Francès. Les fondateurs de cette collection privée, Hervé et Estelle Francès, s'intéressent souvent à des oeuvres radicales, qui parlent de « l'homme et de ses excès ». De sport aussi parfois. « Le premier tableau lié au sport qu'on a acquis, c'était un boxeur. Il y a une forme d'extrémisme contre soi-même dans la boxe, chaque fois qu'on combat on risque la mort », raconte Estelle Francès.

« J'ai versé mon sang et ma sueur ici, j'ai pris des coups. Maintenant, je mets des coups de pinceaux

L'ancien boxeur, aujourd'hui peintre, Baye-Dam Cissé

Parmi les artistes exposés à Aubervilliers (les peintres congolais Chéri Chérin et Moké fils, le photographe Gérard Rancinan...), on trouve un ancien boxeur du Boxing Beats, Baye-Dam Cissé, qui a réalisé plusieurs oeuvres pour l'exposition : « On dissocie souvent l'art et le sport mais c'est la même chose. Quand tu montes sur un ring contre quelqu'un qui veut te foutre en l'air, tu as le même degré d'appréhension que quand tu vas produire une oeuvre et que tu te retrouves devant une toile vide ».

En 2007, le jeune homme avait dessiné les fresques décorant les murs du club, des visages de boxeurs célèbres (Oscar de la Hoya, Roy Jones Jr, Mahyar Monshipour...) représentés façon street art : « J'ai versé mon sang et ma sueur ici, j'ai pris des coups. Maintenant je mets des coups de pinceaux », sourit le jeune homme.

Les coups des boxeurs ne sont d'ailleurs pas qu'une image dans l'exposition, puisque The Rumble in the jungle est uniquement ouvert durant les heures d'entraînement du club (du lundi au vendredi, de 17 heures à 20h30, jusqu'au 28 novembre, 39-41 rue Lécuyer, à Aubervilliers). Pour arriver à Kinshasa, prendre le métro et descendre à la station Aubervilliers-Pantin.

publié le 8 novembre 2019 à 11h28
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